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Utiliser le jeu pour déjouer l’alarme

Updated: May 19, 2023

Par Lisa Weiner (26 avril 2021)

Traduit par Nathalie Malo


Des maux de ventre et des monstres qui se trouvent dans le placard, des maux de tête et des comportements risqués, un lavage de mains fréquent et des comportements répétitifs symbolisent tous des signes qui sont propres à l’alarme. Ainsi, il est fort probable qu’aucun d’entre nous ne se sentent particulièrement enjoué en examinant cette liste de manifestations. Cependant, cette dernière peut changer par le biais du jeu puisqu’il constitue souvent le moyen par excellence qui permet de maintenir le système d’alarme de nos enfants en parfaite santé et fonctionnel.

En réalité, le système d’alarme est profondément ancré en nos cerveaux et il a été magnifiquement conçu par la Nature pour veiller sur nous, en nous gardant en proximité des adultes qui nous prennent en charge. Or, il importe de souligner que parce que les instincts d'attachement sont essentiellement des instincts de survie, nous serons surtout alarmés par la séparation d'avec les personnes et les objets auxquels nous sommes attachés.

Il convient de noter que chaque enfant aborde l’alarme de manière différente. Pour certains, le système d'alarme s'enclenche instantanément et est comparable à l'alarme incendie qui est activée par quelques particules de poussière. Pour d’autres, la séparation, qui représente la véritable source de l’alarme, est trop pénible à contempler, et pour ce motif, le cerveau attribuera d’autres raisons pour expliquer le sentiment d’alarme éprouvé (ce qui est fréquemment à l’origine des phobies « irrationnelles »). Tandis que pour d’autres enfants, l’alarme se révèle trop incommodante (elle suscite trop de vulnérabilité) pour être tout simplement ressentie. En effet, ceux-ci expérimentent des symptômes physiques de l’alarme, telles que l’agitation et la nervosité, sans pour autant se sentir consciemment alarmés. À cet égard, quand les défenses deviennent trop substantielles, nous nous heurtons à des enfants qui ne s’estiment ni inquiets, ni agités, ni perturbés, et qui, en vérité, adoptent souvent un air indifférent. Il s’agit des enfants et des adolescents pour qui le mantra personnel se définit ainsi : « Je ne crains rien », et où les poussées d’adrénaline deviennent une expérience de libération qu’ils sollicitent au moyen de comportements dangereux et risqués. Dans certains cas, il est même possible qu’ils adhèrent à des comportements d’automutilation (soit de se couper ou de se brûler).

Nous pouvons constater qu’un système d’alarme qui est efficient transmet aux enfants des « alertes de danger » qu’ils sont en mesure de ressentir et auxquelles ils peuvent réagir. En conséquence, que pouvons-nous faire pour soutenir les systèmes d’alarme de nos enfants qui sont anxieux, obsessifs, agités ou téméraires afin qu’ils fonctionnent conformément aux attentes de la Nature?


Tel que nous l’avons si souvent observé, le jeu peut incarner la solution à toutes sortes de déséquilibres ou de blocages émotionnels. En fait, il existe trois types de jeux qui peuvent supporter un système d’alarme qui soit bien calibré. Le premier peut être qualifié de « jeu de calibrage du système d’alarme », et il vise à fournir une dose sensée d’alarme dans un contexte qui se veut divertissant. Ce type de jeu fait partie de notre sagesse culturelle depuis des temps ancestraux, comme en témoignent les nombreuses méthodes intuitives que nous employons pour jouer avec les bébés et les enfants. Entre autres, il peut s’agir des jeux du coucou et de la cachette, ou de la lecture de contes et de comptines qui sont empreints d’un soupçon d’obscurité.

Mes fils aimaient jouer à : « Maman a faim! ». Au moment où je sentais que l’alarme qui sommeillait en eux était en train de s’activer et de se bloquer, je leur disais nonchalamment tout en utilisant une voix forte : « Bon, je pense que je commence à avoir FAIIIMMM! ». Ils poussaient alors des cris de peur et de joie espiègles en courant partout dans la maison tandis que je les poursuivais, et ce, tout en essayant désespérément d’échapper à mes « mâchoires affamées » (mes bras)! Ce type de jeu permet au système d’alarme de se restaurer et à trouver son équilibre au sein d’un contexte qui est sécurisant. En ce qui concerne les enfants qui sont plus âgés et les adolescents, il est possible d’ajouter une touche légèrement effrayante au jeu, telle que d’avoir recours à des histoires autour d’un feu de camp, des récits de maison hantée et même des films d’horreur.

La deuxième forme de jeu qui peut faire en sorte qu’un système d’alarme soit équilibré implique de jouer avec le concept de courage. En réalité, ce dernier constitue une merveilleuse « solution » à l’alarme. Si les conditions sont propices, nos enfants sont capables de ressentir simultanément leur désir et leur alarme, et ils peuvent donc prendre des risques audacieux pour atteindre le résultat souhaité. Par exemple, s’ils ont peur de monter sur une scène, mais qu’ils veulent prendre part à la pièce de théâtre de l’école, ils peuvent trouver le courage de « vaincre le dragon » de leur trac de la scène, et ce, de manière à « s’emparer du trésor » qui correspond au fait de participer à cette pièce.

Il importe de considérer qu’il existe plusieurs sortes de jeux qui sont susceptibles de semer des graines de courage, que ce soient des parcours de cordes, des jeux de pirates, des lectures d’histoires qui illustrent des actes de bravoure ou encore de faire semblant d’être des explorateurs qui surmontent des difficultés considérables.

Pour conclure, le troisième genre de jeu consiste à susciter une certaine tristesse dans le but d’aider à « évacuer » l’état d’alarme (ce qui est similaire à ce qui a été abordé dans l’éditorial « Que faire de la frustration? »). Dans cette perspective, il convient de se remémorer que nos enfants sont soumis à un nombre substantiel de séparations où la seule chose qu’ils leur restent à faire est de ressentir la futilité à changer de circonstances.


À vrai dire, tout ce qui comporte un léger goût de mélancolie peut conduire à un peu de tristesse, laquelle peut aider à transformer l’alarme en futilité et à la libérer du système de nos enfants. En outre, les chansons, les histoires, les films, et même les récits propres aux animaux et aux membres de la famille décédés sont autant de moyens détournés de promouvoir la tristesse qui s’avère si souvent indispensable pour maintenir le système d’alarme correctement calibré et sain.


Ces trois modalités de jeu (jeu de l’alarme, jeu du courage et jeu de la tristesse) sont susceptibles d’aider nos enfants à développer des systèmes d’alarme qui sont sains et qui fonctionnent adéquatement. Or, bien que le jeu puisse sembler si souvent frivole et «inutile», il peut avoir des effets significatifs lorsqu’il s’agit de transformer un système d’alarme dysfonctionnel en un qui œuvre pour assurer notre sécurité et notre bien-être, et ce, tel qu’il a été prévu par la Nature. Et encore une fois, c’est de nouveau le jeu qui vient à notre rescousse!




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