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Le jeu de la frustration – Qu’est-ce que c’est ? Comment contribue-t-il au développement de l’enfant ?

  • Writer: Catherine Korah
    Catherine Korah
  • Nov 28, 2023
  • 6 min read

Updated: Aug 29

Par Hannah Beach (28 novembre 2023)

Traduit par Nathalie Malo



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Le jeu peut être engageant, mais pas nécessairement « amusant ».

Lorsque nous imaginons le jeu, nous avons tendance à l’associer fréquemment aux jeunes enfants et aux jouets. Il est également possible que des images d’enfants qui rient et courent nous viennent en tête. Ou peut-être qu’en entendant le mot « jeu », nous pensons à des enfants qui se déguisent, qui jouent à faire semblant ou qui élaborent des mondes miniatures complexes avec leurs poupées, leurs « Playmobil » ou leurs figurines. À vrai dire, ces activités ludiques qui nous viennent généralement à l’esprit font partie de l’univers du jeu libre de plusieurs enfants. Cependant, il convient de mentionner que bien que le jeu soit souvent une source d’amusement, il peut s’avérer particulièrement sérieux.


Il est pertinent de préciser que nous parlerons de jeu quand l’activité en elle-même est intéressante pour l’enfant. Dans le cadre du jeu libre, il peut sentir en lui une force qui le pousse à s’investir dans un loisir. En outre, chaque enfant est unique, et il sera donc captivé par des passe-temps qui lui apporteront une satisfaction personnelle et unique. Pour certains enfants, le jeu se résume à aligner des objets ou à instaurer un sens de l’ordre au moyen d’items tels que des cartes Pokémon et/ou de baseball. Tandis que pour d’autres, il s’agit de construire, de dessiner, de faire de l’artisanat ou de bricoler. En réalité, ces formes de jeu libre ont tendance à être davantage ciblées et sérieuses en soi. Et pourtant, elles sont extrêmement satisfaisantes aux yeux de l’enfant qui est attiré par elles.


La Nature a offert aux enfants le jeu en tant qu’endroit pour assimiler leur univers, pratiquer et se préparer pour l’avenir, de même que pour libérer les sentiments d’alarme et de frustration qui peuvent mijoter en eux. En fait, il s’agit seulement de quelques-uns des multiples cadeaux que le jeu confère aux enfants. Dans cette optique, il est surprenant de constater que le jeu n’est pas uniquement sérieux, mais qu’il peut également être frustrant pour un enfant.


Regardons de plus près à quoi cela pourrait ressembler :

Quand l’un de mes fils était plus jeune, il aimait jouer avec des blocs LEGO. En effet, il passait des heures à planifier, à créer et à construire avec ceux-ci. Il lui arrivait d’essayer de concevoir quelque chose et de travailler sur ce projet durant de longues périodes, et ce, afin que le produit final soit identique à ce qu’il avait imaginé au départ. Toutefois, l’objet qu’il fabriquait ne ressemblait en rien à ce qu’il avait espéré, et il n’arrivait pas à le faire fonctionner adéquatement. Il est inutile de vous dire que ce fut une expérience extrêmement frustrante pour lui. Effectivement, la frustration était parfois telle que ses larmes coulaient alors qu’il tentait d’assembler un item.


Est-ce que je peux dire que mon fils s’est amusé à cette occasion ?

Non, puisqu’il pleurait à chaudes larmes pendant qu’il jouait. Par conséquent, le terme « s’amuser » n’est certainement pas l’adjectif qui convient le mieux pour décrire ce qu’il a éprouvé au cours de cette expérience de jeu.


Est-ce qu’il était impliqué ?

Oui, totalement ! À vrai dire, il était tellement engagé dans son jeu qu’il était prêt à persévérer, alors que ses larmes de frustration coulaient à flot.


Le jeu de la frustration a sa raison d’être au cours de l’enfance. Cherchons à comprendre pourquoi :

Quittons brièvement l’univers du jeu dans le but d’examiner plus attentivement son fonctionnement. Alors que les enfants grandissent, ils doivent apprendre à accomplir des tâches que leurs adultes leur ont demandées. En outre, ils doivent savoir effectuer des choses qu’ils ne désirent pas forcément, ou qu’ils n’ont tout simplement pas envie de faire, et ce, tout en sachant qu’un jour, ils devront travailler et vivre de façon autonome au sein de la société. Par conséquent, leurs cerveaux doivent intégrer qu’ils peuvent survivre en réalisant des activités ardues et des tâches qu’ils risquent de ne pas apprécier nécessairement. À cet égard, cela contribue à les aider à devenir des êtres qui sont en mesure de s’adapter et d’évoluer efficacement au sein d’une même communauté.


Néanmoins, le jeu de la frustration soutient l’adaptation et la résilience d’une manière différente de celle des enfants qui exécutent ce qui leur est imposé par leurs adultes. Cet autre moyen d’atteindre la résilience est d’une importance capitale, car il façonne le cerveau des enfants pour qu’ils soient aptes à surmonter des difficultés, et ce, sans l’encouragement, l’implication et le soutien d’un adulte.


Dans le contexte du jeu libre, un enfant est intrinsèquement attiré par ce qui l’intéresse. Or, le jeu peut complètement le captiver et l’attirer. Ainsi, ce sera dans cet espace précis que l’enfant pourra s’investir pleinement à la réalisation de son objectif. En outre, il est possible qu’il construise quelque chose qui risque de s’effondrer, et pourtant, il sera enclin à recommencer ce projet indéfiniment par la suite. Ou encore, il peut travailler avec acharnement afin qu’un objet ressemble à ce qu’il avait imaginé ou qu’il fonctionne conformément à ses attentes. Dans cette instance, il importe de mentionner que c’est le JEU qui est le moteur qui le motive, et non les encouragements des adultes.


Si nous reprenons l’exemple des blocs LEGO de mon fils, il importe de rappeler que ce n’était pas moi qui l’encourageais à jouer avec ces blocs. À vrai dire, cela ne faisait aucune différence, pour moi, s’il construisait quelque chose ou non. Et pourtant, ce jeu l’avait tellement captivé qu’il était prêt à pleurer de frustration, alors qu’il s’efforçait à maîtriser son idée.


Il est important de souligner que le jeu a configuré son cerveau afin qu’il puisse faire face à son sentiment de frustration, et ce, sans l’intervention d’un adulte. Cette connexion cérébrale est donc essentielle si nous voulons avoir des enfants qui soient capables de surpasser seuls des expériences qui sont à la fois difficiles et frustrantes.


Un enfant qui a passé de nombreuses heures à s’immiscer dans le jeu libre au cours de son enfance sera davantage susceptible de disposer d’un cerveau qui, en définitive, sera en mesure de détecter qu’il est apte à faire face à des événements qui sont difficiles. Dans cette perspective, lorsqu’il est exposé à une expérience qui s’avère frustrante, le cerveau de l’enfant peut tout d’abord dire ceci : « Oh là là ! Aïe, c’est vraiment dur ! ». Et pourtant, en un deuxième temps, le cerveau peut dire ce qui suit : « Ça va ! Je reconnais ce type de situation, nous sommes passés par là maintes fois. Tout va bien aller ! Tu vas y arriver ! ».


Il faut préciser que ce type de connexion cérébrale ne peut être enseigné, étant donné qu’il est le résultat d’expériences ludiques. Telle est la raison pour laquelle le jeu libre revêt une importance primordiale dans la vie des enfants. En effet, ces derniers nécessitent le temps et l’espace requis pour pouvoir bénéficier des apprentissages procurés par le jeu qui supporteront naturellement leur développement, ainsi que la connexion cérébrale résultante qui leur permettra de persévérer face à des tâches qui sont exigeantes.


Mais que faut-il faire lorsque l’expérience du jeu est tellement frustrante que l’enfant abandonne l’activité ?

Il existe une certitude dans ce cas, soit que nous pouvons faire confiance à la Nature. Au moment où l’activité ludique devient considérablement frustrante pour un enfant, alors son engagement diminuera et il sortira de sa bulle de jeu pour se tourner vers autre chose. Il convient de spécifier que ce processus est normal et sain. Toutefois, quand le système de l’enfant sera rétabli et disposé à poursuivre, son implication pourra resurgir et il sera de nouveau attiré par la construction, la réalisation, la création, etc. Par ailleurs, il est possible que vous remarquiez que des enfants soient captivés par des activités ludiques qui sont frustrantes durant certaines phases de leur développement, mais qu’ils ne reviennent pas les visiter pendant une longue période. Il est également intéressant de citer que d’autres s’adonnent à ces activités ludiques par intermittence ou de façons réservées et paisibles. Néanmoins, cette situation est plus difficile à percevoir.


Il est impressionnant de constater à quel point le jeu peut soutenir les émotions et le développement de l’enfant. Dans un monde qui a substitué le jeu par le divertissement, ces discussions sont devenues essentielles alors que nous cherchons à aider les enfants à découvrir la meilleure version d’eux-mêmes. Or, ne vous inquiétez pas si le « jeu » que vous observez semble être particulièrement sérieux et/ou frustrant pour l’enfant. Il faut bien comprendre que ce phénomène est légitime et qu’il favorise le développement émotionnel et les connexions cérébrales qui sont indispensables à l’adaptation de tout individu. Subséquemment, notre travail consiste simplement à créer de l’espace pour que le jeu libre soit en mesure de prendre forme…la Nature saura s’occuper du reste.


Cordialement,

Hannah


Hannah Beach est une éducatrice, auteure et conférencière primée. En 2017, elle a été reconnue par la Commission canadienne des droits de la personne comme l'un des cinq principaux acteurs du changement au Canada. Elle est coauteure de Reclaiming Our Students: Why Children Are More Anxious, Aggressive, and Shut Down Than Never — And What We Can Do About It (publié en avril 2020). Elle offre des services de développement professionnel à travers le pays et fournit des conseils en santé émotionnelle aux écoles.

Trouvez-la en ligne à https://hannahbeach.ca



Tous droits réservés Hannah Beach © 2023

Hannah Beach, auteure de Reclaiming Our Students et de la série de livres I Can Dance, est membre de l’Institut Neufeld, ainsi que directrice de Emotional Growth for Children, un centre de consultation et de ressources familiales. Pour de plus amples renseignements, veuillez visiter : www.hannahbeach.ca et www.neufeldinstitute.org

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