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Les bienfaits de prendre les devants lorsque les enfants réclament votre attention

Updated: Sep 13, 2023

Par Hannah Beach (25 janvier 2022)

Traduit par Nathalie Malo


Quand nous sommes en présence d’enfants qui s’agrippent à nos jambes, qui posent des questions constamment, qui multiplient les interruptions et qui adoptent continuellement des comportements excessivement farfelus, dérangeants ou problématiques, alors un seul mot nous vient à l’esprit pour les décrire : Accaparants. Accaparants!

L'expression « attirer l’attention » correspond exactement à ce qu’elle évoque, soit la quête d’attention. Cependant, ce que nous avons souvent tendance à oublier est que nous sollicitons l’attention afin de combler un certain besoin; il peut s’agir probablement d’un profond désir d’être spécial, d’être accepté, de se sentir à sa place ou en sécurité. Il importe de préciser que si un enfant est avide de connexion, cela peut se traduire par des comportements inadéquats. En effet, ces derniers peuvent être franchement désagréables et épuisants pour les parents, les enseignants et les individus qui le côtoient. Dans cette perspective, il peut être opportun de se souvenir que le comportement nous indique fréquemment quelque chose de significatif, et que si nous sommes aptes à déterminer ce qui est sous-jacent aux comportements qui sont liés à la quête d’attention, alors nous serons peut-être en mesure de mettre un terme à cette intense pulsion qui est propre à cette recherche incessante.

L’enfant est assoiffé de connexions

La connexion peut nous combler émotionnellement, et ainsi, diminuer notre sentiment d’alarme. À cet égard, si un enfant est inconsciemment affamé de relations, nous assisterons donc à la présence de comportements visant la recherche de connexions. Malheureusement, ces types de comportements ont tendance à éloigner plutôt qu’à susciter nos instincts de bienveillance. De plus, ils ne sont absolument pas attirants. Or, notre réflexe peut être de repousser l’enfant et de lui dire : « Donne-moi de l’espace! », ou de le réprimander : « Arrête de m’interrompre, tu n’es pas le seul élève dans la classe! », ou encore de le confronter : « Pourquoi es-tu toujours en train de te donner en spectacle et d’attirer l’attention vers toi? »


Et pourtant, un enfant qui a soif de connexions nécessite plus que jamais que nous intervenions, que nous prenions les devants et que nous l’attirions vers nous. Quand nous le rejetons ou que, par mégarde, nous lui transmettons un sentiment de honte pour ses comportements, alors nous renforçons habituellement son besoin de connexions et subséquemment, cela « amplifie » ses comportements que nous jugeons problématiques. En d’autres termes, le fait de repousser ou de demander aux enfants (ou à quiconque) de cesser d’être accaparant ne fonctionne tout simplement pas. Ou du moins, certainement pas de la manière dont nous le souhaitons.

Quels sont les besoins particuliers d’un enfant qui est avide de connexions?

Il faut d’abord aller à sa rencontre! C’est une approche que je privilégie continuellement lorsque je travaille avec des enfants qui me semblent rechercher de l’attention et être affamés de connexions. Cette méthode peut se révéler être remarquablement efficace si nous parvenons à surmonter notre résistance à tendre la main à un enfant qui réclame notre attention à tout moment (en toute sincérité, j’ai souvent du mal à le faire moi-même).

Je me souviens d’avoir déjà enseigné à une adolescente qui était extrêmement turbulente. Elle avait réponse à tout, elle posait sans arrêt des questions et elle accaparait un espace substantiel de la classe. À vrai dire, ce fut une expérience pénible puisque cela m’a demandé une quantité d'énergie considérable pour faire de la place à la voix des autres élèves. Pour cette raison, la dernière chose que je désirais faire était de lui tendre la main, car elle me donnait envie de m’éloigner davantage. Toutefois, il m'a semblé que cette jeune pouvait être à la fois anxieuse et en quête d'attention. Par conséquent, je me suis rendue compte que je devais l’atteindre d'une manière qui lui permettrait de ressentir mon désir d'entrer en relation avec elle. En bref, je me devais, avant tout, de lui tendre la main plutôt que de répondre uniquement à ses tentatives qui visaient à se rapprocher de moi.


Se faire répondre ne procure pas la même sensation que de se faire tendre la main.

Il existe une différence fondamentale entre le fait de satisfaire un besoin de façon proactive et celui de répondre à une demande émise, et ce, en termes de répercussions sur un enfant qui se sent insécure et qui a soif de connexions. Or, il ne faut pas confondre le fait de répondre à une demande avec le fait de recourir à un besoin. En outre, il est profondément humain de vouloir être désiré.


Dans cet ordre d’idées, j'ai décidé de faire en sorte que cette élève se sente désirée. Néanmoins, le fait de soutenir un élève de cette façon peut quelquefois se révéler problématique pour les autres enfants qui se trouvent dans la classe. À vrai dire, ils peuvent éprouver du ressentiment si leur enseignant accorde de l'attention à un élève qui, à leur avis, monopolise plus que le temps et l’attention qui lui ont été alloués. Par conséquent, durant les heures de cours, j'ai tenté de procéder d'une manière qui était moins évidente et qui tenait également compte des besoins de chacun. En vérité, je me doutais que si je parvenais à combler les besoins de cette fille, ne serait-ce que partiellement, elle ne serait sans doute plus aussi envahissante. Ainsi, je lui demandais de me décrire sa journée lorsqu'elle entrait en classe, et ce avant qu'elle ne songe à venir me voir. De plus, j’effectuais un détour pour la saluer si je la rencontrais dans le corridor. Et surtout, je ne manquais pas de lui dire au revoir à la fin des classes. Il importe de mentionner que j’ai remarqué qu'elle s'attardait fréquemment lorsqu’elle devait ranger ses effets personnels, et comme je savais pertinemment qu’elle était sur le point de me poser une question ou de me faire un commentaire, je lui demandais en premier lieu de me faire part de ses réflexions à propos des activités que nous avions effectuées en classe au cours de la journée. Je dois avouer que ce fut une tâche ardue, étant donné qu’il y avait si peu de moments où elle n'était pas déjà en train de me faire une remarque ou de m’approcher. Par ailleurs, quand elle ne tentait pas d’attirer mon attention, cela paraissait être un moment de répit, si bien qu’il m’était difficile, par la suite, de m’efforcer à lui tendre la main!


Malgré tout, j’ai réussi à surmonter ma résistance et à trouver des brefs moments où je pouvais l’approcher en premier. Cette démarche a pris environ cinq mois, mais elle a porté fruit. En effet, elle a cessé de m’interrompre et elle n’éprouvait plus le besoin de prendre autant de place dans la classe. D’ailleurs, dès qu’elle a eu la conviction que je lui accordais librement mon attention, elle ne l’a plus sollicitée. De fait, elle est devenue nettement plus agréable à enseigner; à un point tel que j’ai réellement commencé à apprécier sa présence dans la classe, et ce, tout comme la plupart des autres élèves.


La perfection n'est pas requise. En réalité, elle est irréalisable.


Cet état peut parfois être difficile à réaliser, et ce, spécialement, quand nous avons des vies familiales occupées, ou une classe qui est bondée d'élèves qui réclament notre attention. À vrai dire, il peut sembler pratiquement impossible (ce qui est le cas !) de venir à la rencontre de chaque enfant avant qu'il ne nous approche en premier. Il convient de souligner que la perfection n'est pas de mise dans ce cas, et que nous pouvons donc tout simplement lâcher prise. En revanche, il peut être utile de se remémorer que le fait d'atteindre ces enfants préalablement peut contribuer à les rassasier. Par ailleurs, des moments, même infimes, au cours desquels nous pouvons amorcer le contact ou manifester notre intérêt à leur égard peuvent contribuer fortement à modifier les interruptions et les comportements qui nous épuisent.


Remplir leur réservoir d’attachement.

Le fait de tendre la main par des moyens simples témoignent de notre intérêt et de notre désir d'entrer en relation avec l’enfant, ce qui peut donc l’aider à se sentir en sécurité, désiré et à bénéficier d'un certain repos émotionnel.

Mais, à quoi cela peut-il bien ressembler ? Imaginons la distinction dans la façon dont les exemples ci-dessous peuvent être ressentis. Dans les deux exemples, le résultat final sera identique, soit que l'adulte lit à l'enfant. Toutefois, l'énergie qui se dissimule derrière ceux-ci est différente, et elle peut avoir une incidence sur un enfant qui est avide de connexions.


Je pensais justement à quel point j'aimerais lire avec toi…
Est-ce que tu aimerais te joindre à moi pour des câlins et un livre ?

Ou

Un enfant vient vous voir et vous demande de lui lire un livre.
Vous répondez par un oui, d’accord. 

Dans le premier exemple, l'enfant ressent que vous voulez manifestement être avec lui. Il éprouve votre désir et votre intérêt à lui consacrer du temps. Néanmoins, dans le second exemple, bien que l'enfant bénéficie toujours de votre attention, il peut avoir l'impression que vous faites quelque chose pour lui uniquement parce qu'il vous l'a demandé, et non pas parce que vous souhaitez également être proche de lui.


Quand nous ne pouvons pas les atteindre en premier

Tel qu'indiqué plus haut, pour certains enfants, il nous est parfois difficile de trouver des opportunités pour les inviter et leur procurer une connexion au préalable, et ce, étant donné qu'ils l'exigent de notre part continuellement. Dans ces circonstances, nous pouvons toujours essayer de remplir leur réservoir d'attachement en leur communiquant notre désir d'être en leur compagnie, et ce, même quand il ne s'agit que d'une réponse à leur demande. Considérons ce qui suit :


Un enfant vous approche et vous demande de lui lire un livre. Vous lui dites :

  • Comment as-tu fait pour lire dans mes pensées ? J'étais sur le point de te demander la même chose !

  • Bien sûr que oui ! Je me disais justement que ce serait agréable de passer du temps avec toi.

  • En ce moment, je suis incapable de te faire la lecture, mais j'aimerais bien le pouvoir ! J'adore nos séances de lecture en tête à tête. J'ai une idée, prenons un temps de lecture, ce soir, avant de se coucher. Toute la journée, je penserai à ce moment avec impatience!

Par conséquent, si nous pouvons nous remémorer de redéfinir la quête d'attention en besoin de connexion, cela nous permettra de faire émerger davantage notre bienveillance lorsque nous seront exposés à des comportements problématiques qui, normalement, nous inciteraient à nous retirer ou à repousser. À vrai dire, la recherche de connexion est un phénomène naturel et positif. Cependant, les enfants ne disposent tout simplement pas des mots pour dire ceci: J’ai besoin de toi! Est-ce que je suis spécial ? Ai-je ma place ? Je ne me sens pas en sécurité actuellement! En revanche, il convient de préciser que ce seront plutôt leurs comportements qui effectueront la conversation pour eux.


À titre de parents, d’enseignants, de mentors et de professionnels aidants (tous ceux, parmi nous, qui travaillent avec des enfants et des jeunes) nous pouvons soutenir les enfants dans leur quête de repos émotionnel en les aidant à satisfaire leurs besoins relationnels. Néanmoins, il est important de se rappeler que cela peut prendre du temps. En fait, il peut arriver que certains enfants aient des réservoirs vides et que d'autres disposent de réservoirs troués. Toutefois, chaque enfant a besoin d'établir des connexions. Or, rien n'équivaut à la chaleur et à l'invitation d'un adulte bienveillant pour aider à réparer et à remplir le réservoir d'un enfant qui est affamé de connexions.


Cordialement,

Hannah


Pour obtenir plus de précisions quant au pouvoir de l'attachement, veuillez consulter le cours du Dr Gordon Neufeld : « Le pouvoir parental 1 : La relation cruciale », qui est offert par l'Institut Neufeld francophone en suivant ce lien : https://www.institutneufeld.org/product-page/le-pouvoir-parental-1-la-relation-cruciale-1, et référez-vous au chapitre 10 du livre : Reclaiming Our Students : Why Children are More Anxious, Aggressive, and Shut-Down than Ever - and What We Can Do About It.


Tous droits réservés Hannah Beach © 2022

Hannah Beach est une éducatrice, auteure et conférencière primée. En 2017, elle a été reconnue par la Commission canadienne des droits de la personne comme l'un des cinq principaux acteurs du changement au Canada. Elle est coauteure de Reclaiming Our Students: Why Children Are More Anxious, Aggressive, and Shut Down Than Never — And What We Can Do About It (publié en avril 2020).


Elle offre des services de développement professionnel à travers le pays et fournit des conseils en santé émotionnelle aux écoles.


Trouvez-la en ligne à l'adresse suivante: https://hannahbeach.ca/




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