Quand des « papillons » créés des gargouillements dans le ventre
- edegosztonyi
- May 23, 2019
- 7 min read
Comment aider un enfant qui vit de l’anxiété
Par Dre Deborah MacNamara (23 mai 2019)
Traduit par Nathalie Malo

Quand ma fille était anxieuse, elle me disait : « Maman, j'ai l'impression que mon ventre est en train de faire du beurre. » Après avoir éliminé toute possibilité de maladie, je lui ai expliqué que le ventre peut parfois être dérangé quand nous avons des soucis. Elle m'a alors répondu : « Je ne sais pas ce qui m'inquiète. » J'ai donc pris ses paroles au pied de la lettre, car en réalité, nous ne savons pas toujours ce qui nous trouble. D’ailleurs, le cerveau possède ses propres raisons d'activer l'excitation émotionnelle et nous ne sommes pas toujours conscients des causes de ce phénomène. L'alarme et la peur se comportent souvent de la sorte - elles peuvent prendre une telle ampleur que nous en perdons de vue leur source réelle.
Une de mes nièces m'a raconté, lors d'un souper l'autre soir, qu'elle avait mal au ventre pendant qu'elle mangeait. Après lui avoir posé quelques questions, je lui ai dit que je pensais que c'étaient peut-être des « papillons ». Je lui ai demandé de s'asseoir sur mes genoux, j'ai posé ma main sur son ventre et je lui ai dit que j'avais l'impression que c'étaient effectivement des papillons. Je lui ai demandé si elle savait ce qui l'inquiétait. Elle m'a répondu : « Je ne suis pas inquiète du tout ! » Je lui ai expliqué que lorsque les papillons se logent dans le ventre et non dans la tête, on ne sait généralement pas de quoi il s'agit, et que ce n'est pas grave. Je lui ai également dit que je pensais que les papillons allaient finir par bouger et sortir par sa bouche, si on leur laissait suffisamment de temps.
Une demi-heure plus tard, ma nièce a mentionné que les papillons s’étaient déplacés et qu'ils n'étaient plus dans son ventre. Je lui ai demandé où ils se trouvaient et elle m'a répondu : « dans ma gorge ». Je lui ai dit d'ouvrir la bouche, j'ai regardé à l'intérieur et je lui ai répondu : « Oh oui, ce sont bien des papillons ». Je lui ai laissé entendre que je croyais qu'ils allaient bientôt sortir. Plus tard, au cours de la soirée, elle est venue me voir et elle m'a dit qu'elle pensait que j'avais raison, qu'elle avait vraiment des papillons dans le ventre. Elle a précisé qu'elle s'était aperçue qu'elle craignait de regarder le film que les enfants avaient choisi parce qu'il lui semblait terrifiant. Elle a ajouté qu’après en avoir regardé un extrait, elle s'était aperçue qu'elle se sentait apte à l’écouter. Je lui ai demandé s'il restait des papillons et elle a répliqué : « Non, ils se sont tous envolés ».
Ma nièce avait peur, mais elle était incapable d'en parler. Elle est également de nature hypersensible et elle peut aisément être bouleversée. En réalité, elle était incapable de trouver les mots pour exprimer ce qui lui faisait peur, et ce, bien qu’elle ressentait uniquement des inquiétudes sans nom qui se déplaçaient dans son ventre. Dans un tel contexte, la solution ne consiste pas à dire à un enfant de se calmer, de faire en sorte d’écarter ses inquiétudes ou de penser positivement. En fait, le but est d'inviter l'enfant à exprimer ce qui le trouble par le biais de mots. En l'invitant à exprimer ses inquiétudes, nous l'aidons à rétablir l'équilibre de son système émotionnel. De plus, le fait d'être plus conscient de ce qui le perturbe et de pouvoir en comprendre la raison aide à apaiser ses émotions.
Inviter l’expression émotionnelle
Si nous voulons que nos enfants établissent une relation avec leurs émotions et qu’ils trouvent des noms à leur attribuer, nous devons commencer par les inviter à s'exprimer. Il importe de préciser que le plus grand obstacle à l'expression est de croire que le fait d'exprimer son cœur et ses pensées aura des répercussions sur la relation que l'on entretient avec l'autre. Si le fait de partager une part de soi conduit à s'éloigner davantage d'une personne dont on souhaite être proche, alors le cerveau se trouve confronté à un dilemme. Plus exactement, la soif d'attachement l'emporte sur le besoin de s'exprimer et le moi est refoulé au nom de la préservation de la relation. En d'autres termes, les enfants ne partageront pas leurs sentiments avec nous si cela interfère avec la satisfaction de leurs besoins relationnels. Ce processus n'est ni intentionnel ni conscient, mais instinctif au départ.
Plusieurs stratégies sont utiles pour encourager un enfant à exprimer le contenu de son cœur, mais elles reposent toutes sur le fait de maintenir une bonne relation avec l'enfant. Cet état de fait implique que le parent soit une personne chaleureuse, bienveillante et généreuse sur laquelle l'enfant peut compter. De plus, un enfant doit être profondément attaché à autrui pour vouloir partager ses secrets en toute vulnérabilité.
Inviter l'expression en transmettant de la chaleur et un désir d'écoute - Si nous voulons qu'un enfant nous révèle son monde intérieur, nous devrons l'écouter au moyen de notre propre système émotionnel. Dans ce cas, notre intuition et notre capacité à interpréter les émotions et les besoins de l'enfant sont cruciales. Il serait bénéfique de témoigner notre désir d'entendre les propos de l'enfant et de l'écouter en lui accordant toute notre attention.
Accorder de l’espace à l’expression - L'enfant doit disposer de suffisamment de temps et d'espace pour être apte à prendre en considération son monde intérieur. Cela peut se produire lorsqu'il est libre de jouer, et qu'il n'est pas préoccupé par ses pairs, le temps d'écran, l'école ou l'apprentissage. Pour faire accéder les émotions à la conscience, il faut non seulement une invitation, mais également de l'espace. Jaak Panksepp, un neuroscientifique de renom, affirme que les enfants ont besoin de « sanctuaires de jeu » pour exprimer leurs émotions.
Accompagner ses sentiments - Lorsqu'un enfant exprime ses sentiments ou ses pensées, l'objectif est de l'écouter et de l'accompagner. Ce faisant, nous augmentons la probabilité qu'il se confie davantage et qu'il soit capable de se sentir plus vulnérable en notre présence. L'accompagnement signifie que nous accueillons ce que l'enfant a dit. Par exemple, « Oui, il arrive parfois que les papillons se manifestent quand nous pensons à des films d'horreur ». Accompagner signifie que nous n'écartons pas, nous n’invalidons pas, nous ne jugeons pas, nous ne résolvons pas les problèmes et nous ne tentons pas de donner une leçon à l'enfant quand il nous partage ses expériences. L'objectif est de communiquer que nous l’entendons, ce qui contribue à amener les émotions à la pleine conscience.
Dissimuler ses propres besoins émotionnels - Lorsque nous essayons d'aider un enfant à gérer ses émotions, il importe de ne pas confondre ces dernières avec notre propre expression émotionnelle. Les parents doivent faire abstraction de leurs émotions afin de mettre l'accent sur le monde intérieur de l'enfant. Si un enfant voit ou croit que ce qu'il partage sera trop difficile pour un parent, il risque de vouloir préserver la relation et refouler ses sentiments. La tâche du parent consiste à s’accrocher aux émotions de l’enfant et de le guider afin qu'il trouve son chemin parmi elles. Les propres émotions des parents ne feront qu'obscurcir le tableau et elles risquent d'alarmer l’enfant ou le déconcerter.
Aider un enfant à nommer ses émotions à l'aide de mots qui évoquent des sentiments – Les émotions sont les impulsions brutes qui nous animent en réponse à des stimuli issus de l'environnement. Nos sentiments correspondent aux noms que nous donnons à ces états émotionnels, tels que la peur, la colère, la tristesse ou la frustration. Les êtres humains se distinguent des autres espèces par leur capacité à réfléchir et à prendre conscience de leurs instincts et de leurs émotions. Or, ce développement nécessite du temps et il requiert le soutien d'adultes qui peuvent guider les enfants dans la désignation de leurs émotions.
Lorsqu'il s'agit de l'expression émotionnelle, nous pensons que la réponse consiste tout simplement à calmer les enfants, tandis que ce qui leur permet de trouver une solution, serait plutôt de les aider à prendre conscience de ce qui les perturbe. En outre, il est impossible de contrôler notre éveil émotionnel, car celui-ci nous arrive tout simplement. Cependant, ce que nous pouvons faire, est d’aider les enfants à prendre les commandes de leur vie et à formuler des intentions quant à ce qu’ils veulent faire de leurs sentiments.
L'anxiété fait partie de la condition humaine et il n'est pas nécessaire d'en faire une pathologie. Nous avons été conçus pour être agités, parfois par des « papillons » ou par des « ventres qui font du beurre ». Or, les émotions qui nous mettent le plus au défi sont celles qui n'ont pas de nom et qui ne disposent d’aucun espace pour s'exprimer.
Nos émotions ne constituent pas un problème en soi, elles ne font que tenter de résoudre les problèmes au sein de notre vie. Nous devons apprendre aux enfants à écouter leur monde émotionnel intérieur en les guidant et en croyant fermement que l'équilibre et la stabilité ne s'obtiennent pas en réprimant leurs sentiments, mais plutôt en leur permettant de s'exprimer librement.
Lorsque nous sommes convaincus qu'il existe une solution, nos enfants nous suivront. Les enfants résilients sont ceux qui ressentent intensément leurs émotions, qui sont capables de donner un nom à leurs sentiments et qui croient que de confronter ce qui les dérange correspond à la meilleure façon de naviguer les tempêtes de la vie.
Tous droits réservés Deborah MacNamara, 2019©
Dre Deborah MacNamara, auteure du livre « Grandir, jouer, s’épanouir », est membre du corps professoral de l’Institut Neufeld, ainsi que directrice de Kid’s Best Bet, un centre de consultation et de ressources familial. Pour de plus amples informations, veuillez visiter :









Comments