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Les enfants jouent à la « tag du coronavirus. » Devrions-nous être inquiets?

  • Writer: edegosztonyi
    edegosztonyi
  • Apr 2, 2020
  • 8 min read

Updated: May 16, 2023

Écrit par Hannah Beach (2 avril 2020) Traduit par Nathalie Malo CLIQUEZ ICI pour télécharger cet article en format pdf


Ma famille a appris récemment et ce, comme la plupart d’entre nous, que l’école de mon fils allait fermer en raison de l’épidémie du coronavirus. Lors de son dernier jour d’école, nous bavardions, et mon fils m’a raconté tout bonnement que lui et ses amis avaient joué à la « tag coronavirus » pendant l’heure du dîner! À priori, j’étais bouleversée d’entendre de tel propos. Or, la première pensée que j’ai eue s’est avérée être ceci : «Oh-là-là! Quelle insensibilité!» Compte tenu de toutes les souffrances que subissent de nombreuses personnes présentement et en tant que mère, j’étais tout simplement HORRIFIÉE à l’idée que mon fils se soit prêté à un jeu si morbide.

Cependant, la seconde idée qui m’est venue à l’esprit se résuma en ces termes: «OUI! Dieu merci! C’est exactement ce qui est censé se produire». Permettez-moi de vous expliquer le raisonnement derrière ce constat. Il est naturel et sain pour les enfants d'exprimer leurs peurs. Nombreux sont les parents qui me disent qu’ils se butent sur leurs jeunes enfants en les apercevant en train « d’isoler » leurs poupées pour qu’elles soient en sécurité. D’autres prétendent être des médecins et prennent soin de leurs animaux en peluche dans un soi-disant hôpital. Entre autres, un des membres de mon équipe m’a remis, l’autre jour, des photos illustrant une série de dessins de dragons aux allures terrifiantes qu’un de ses jeunes élèves lui avait envoyés.

De plus, j'ai découvert que mon fils et ses amis ne sont pas les seuls enfants qui jouent dorénavant à la tag du coronavirus. Des amis et des membres de ma famille m’ont fait part de cette même réalité, et ce, alors qu'ils résident dans d'autres villes. En fait, il semblerait que des enfants s’adonnent à cette activité au sein de nombreuses communautés qui sont situées en Amérique du Nord et en Angleterre!

Ces changements afférents à la manière dont nos enfants jouent et s’expriment peuvent paraître troublants et inconfortables. Et pourtant, il est tout à fait normal pour ces derniers d’exprimer leurs craintes et leur anxiété par le biais du jeu et des arts. Somme toute, il ne s’agit pas d’une coïncidence si ce type de jeu émerge spontanément auprès d’enfants issus de foyers, de communautés et de pays qui sont répartis dans le monde entier. D’ailleurs, c’est ce qui est censé se produire.

Le jeu est le moyen dont les enfants dispose pour assimiler leur vie. Plus précisément, il leur permet de donner un sens à leur environnement, à extérioriser leurs émotions intenses, telles que la frustration et l’anxiété, et à comprendre ce qu’ils sont en train de vivre et ce, sans se sentir menacés ou dépassés.

Dans le contexte du jeu, les enfants font l’expérience de moments qui les distancent de leur réalité, contribuant dès lors à ce qu’ils aient la conviction qu’ils iront bien et ce, peu importe les circonstances. Effectivement, les enfants ont tendance à donner un sens aux choses qui les effraient lorsqu’ils jouent. Nous pouvons le constater par la fascination qu’ils portent aux contes de fées. Ceux-ci abordent fréquemment des sujets terrifiants d’une manière simple et qui est dépourvue d’ambiguïté. De plus, nous le remarquons par la fascination qu’ils portent aux livres où le thème central se réfère au fait de devenir orphelin (Harry Potter, Anne aux pignons verts, Le jardin secret, Bambi… la liste est longue!)

Mais, pourquoi en est-il ainsi? Quelle est la raison qui incite les enfants à vouloir lire des histoires dans lesquelles des enfants sont abandonnés et où des choses épouvantables surviennent ?

Quand des livres et des contes de fées respectent l’âge des enfants (ce qui consiste une mise en garde importante!), ces derniers traiteront avec finesse de sujets qui sont obscurs et inquiétants sous une forme qui permettra aux enfants de les assimiler en retrait de la vie quotidienne. Aux yeux de ceux-ci, les concepts et les thématiques terrifiants paraissent moins menaçants que la vie courante au moment où ils se livrent à des scénarios imaginaires. En ce sens, les enfants ont l’opportunité de voir l’enfant imaginaire survivre en dépit de l’adversité rencontrée alors que le bien triomphe du mal. Ce faisant, ils se rendent compte que tout IRA BIEN et ce, même si des choses terribles arrivent.

Ceci est également valable pour d’autres types de jeux et d’activités aux thèmes qui sont plus sombres. Ces derniers facilitent l’extériorisation de l’anxiété des enfants dans un contexte qui se veut sécuritaire.

Et que penser de ces enfants qui prétendent être des médecins dans un hôpital et qui mettent leur animal en peluche au lit? Il est possible qu’ils éprouvent un sentiment de prise en charge. En effet, ils se transforment en donneurs de soins et sentent qu'ils font partie de la solution en apportant confort et bien-être à ceux qui leur sont confiés. Dans ce cas particulier, leur sentiment de prendre soin des autres de cette manière peut les apaiser et ce, bien qu'il s’agisse uniquement de poupées et d’ours en peluche, et non de véritables personnes.

Et qu’en est-il de ces enfants qui dessinent des images de monstres effroyables? Il est probable qu’ils éprouvent un sentiment de libération en mettant leurs craintes sur papier. Et ces enfants qui se livrent à des pseudos combats à l’épée entre eux et ce, dans le but de tuer l’horrible docteur Corona? Il se peut que le chasseur de montre éprouve un sentiment de puissance en devenant le héros. Tandis que l’enfant qui adopte le rôle du «méchant» peut se réjouir à l’idée d’approfondir ce personnage, étant donné que ça lui confère un sentiment de contrôle sur les évènements qui le préoccupent ou qui lui font peur.

Le jeu permet essentiellement aux enfants de figurer le moyen qu’ils privilégieront pour contrer l’adversité ainsi que de s’exercer à se sentir bien et ce, peu importe les circonstances. Telle est la raison, quoique macabre, pour laquelle nous ne devons pas nous affoler quand nous voyons nos enfants interpréter leurs peurs.

Alors, que devrions-nous faire ainsi que s’abstenir de faire? À vrai dire, il est incroyable que la nature ait procuré aux enfants cet extraordinaire outil qu’est le jeu, et qui leur permet, entre autres, de gérer leurs émotions. Le jeu n’est pas «superflu» dans la mesure où il est essentiel qu’il se trouve dans l’existence de nos enfants. Il représente une soupape de détente, un terrain de répétition pour la vie, de même qu’un moyen qui permet aux enfants de comprendre et d’examiner leur monde intérieur et extérieur en toute sécurité.

Or, bien que nous sachions en théorie que ce type de jeu est sain pour nos enfants, il s’avère ardu de déterminer les réactions que nous devons adopter lorsque nous prenons conscience que nos enfants explorent des concepts qui sont à la fois intenses et terrifiants. Voici quelques lignes directrices qui vous aideront dans votre cheminement :

- PROCUREZ-leur des périodes non structurées qui favorisent le jeu libre. N'oubliez pas que vous ne devez pas vous transformer en directeur de divertissement. Il vous suffit de prévoir du temps pour le jeu libre, soit du temps qui est dépourvu d’activités structurées, de télévision, d’internet et d’appareils numériques. Ce faisant, l’imagination et la créativité des enfants peuvent s’épanouir librement et ce, tandis qu’ils se consacrent à toute autre activité qui les interpelle. Vous ne devez aucunement craindre que vos enfants s’ennuient. En fait, si vos enfants s’ennuient un peu pendant qu’ils se trouvent à la maison, sachez que c’est positif en soi. C’est lorsque les enfants s’ennuient, et qu’ils cherchent des choses à faire, qu’ils commencent à faire appel à leur imagination. De plus, ce sont dans ces moments qu’ils découvrent et se consacrent à des jeux qui soutiennent leur monde intérieur et qui suscitent la maîtrise de leurs émotions.

- NE FAITES PAS DE COMMENTAIRES à propos de ce qu'ils font ou disent. Il importe que les enfants ne se sentent pas gênés ou qu’ils aient l’impression d’être observés, s’ils veulent s’immiscer dans l’univers du jeu. Par ailleurs, il est préférable d'éviter de leur mentionner que tel type de jeu serait « bon » pour eux. En effet, il est probable qu’ils se sentent inconfortables et qu’ils résistent l’idée de s’investir dans ce jeu. Or, la dernière chose que nous voulons faire serait de leur retirer, par inadvertance, cet exutoire qui s’avère favorable et sain sur le plan émotionnel. Par conséquent, il est judicieux de porter attention et de suivre leur jeu de loin. Toutefois, n’en faites pas un sujet de discussion autour de la table lors du souper!

- Ne cherchez PAS à influencer le processus. Il se peut que vous vous demandiez si vous devez intervenir en proposant, entre autres, à vos enfants de les aider à prendre soin de leurs animaux en peluche qui sont malades. Il n’est pas conseillé de s’insérer dans le monde imaginaire de nos enfants, car cela peut occasionnellement le détourner de l’endroit où les enfants l’auraient naturellement amené par le biais de leur jeu. Il convient donc de les laisser interpréter tout ce qu'ils peuvent ressentir ou penser et ce, sans influencer leur propre récit ou scénario. Devrions-nous éventuellement nous inquiéter? Le jeu libre est particulièrement important pour les enfants qui évoluent dans le contexte actuel. En tant que parents et donneurs de soins, nous devrions nous efforcer de procurer suffisamment de temps non structuré aux enfants de façon à ce qu’ils soient en mesure de bénéficier du jeu libre. De surcroît, nous devrions nous restreindre à observer ce qu’ils font. Il est plus que probable que les enfants abandonneront incidemment des pratiques telles que la « tag du coronavirus » pour s’adapter à ce qui se déroule dans le monde présentement.

Si toutefois nous remarquons qu’un enfant semble plutôt « bloqué » et qu’il s’accroche à répéter en boucle une thématique sombre et ce, au point d’en être obsédé, alors il serait recommandé de consulter un médecin ou un professionnel en santé mentale. En ces temps incertains, il est parfaitement normal que les enfants fassent des dessins terrifiants et qu’ils jouent dans un pseudo hôpital, et cela notamment en raison des nombreux changements qui surviennent au quotidien. Cependant, si des enfants paraissent envahis par ces sujets sur plusieurs semaines ou mois, il serait pertinent et souhaitable de suivre notre instinct et de consulter un professionnel de la santé.

Il est évident que nous devons intervenir dans les cas où les enfants se livrent à des formes de jeu qui leur nuisent ou qui s’avèrent être néfastes pour autrui (que ce soit physiquement ou émotionnellement). Par exemple, notre intervention est requise si un enfant force un autre à participer à un jeu qui n’est pas amusant pour tous les individus qui sont concernés. En outre, nous devons également intervenir lorsqu’un aîné d’une famille insiste pour jouer au monstre du coronavirus, et qu’il effraie son cadet de telle sorte que l’activité ne suscite aucun cri de joie ou de signe manifeste de plaisir partagé. En réalité, ce jeu entraîne plutôt des larmes de peur et c’est la raison pour laquelle notre intervention est nécessaire. Soyons reconnaissants pour le jeu Il importe de spécifier que les enfants ne sont pas que des adultes miniatures. Ils assimilent les émotions intenses conformément aux lois de la nature, soit à travers la sécurité du jeu et ce, tout en étant enveloppés de notre chaleur et de notre protection.

Il existe toujours des mises en garde. Néanmoins, dans un contexte incertain, nous devons nous attendre à des changements dans la façon dont nos enfants jouent, et il nous suffit d’en prendre note. Par ailleurs, il peut être utile de faire preuve de reconnaissance quand nous voyons ces divers types de jeux puisqu’ils nous indiquent ce que les enfants ressentent réellement à l’intérieur. De plus, le fait de savoir que le jeu offre un exutoire sain et bénéfique pour nos enfants et ce, pour qu’ils puissent dévoiler leurs émotions et intégrer le monde environnant, peut permettre à tous de pousser un soupir de soulagement collectif!


Cordialement

Hannah Beach





Hannah Beach est une éducatrice, auteure et conférencière primée. En 2017, elle a été reconnue par la Commission canadienne des droits de la personne comme l'un des cinq principaux acteurs du changement au Canada. Elle est co-auteure de Reclaiming Our Students: Why Children Are More Anxious, Aggressive, and Shut Down Than Never — And What We Can Do About It (publié en avril 2020). Elle offre des services de développement professionnel à travers le pays et fournit des conseils en santé émotionnelle aux écoles.

Trouvez-la en ligne à https://hannahbeach.ca

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