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L’anxiété de séparation : quand il est difficile de dire « au revoir »

  • Writer: Catherine Korah
    Catherine Korah
  • May 5, 2014
  • 9 min read

Par Dre Deborah MacNamara (6 mai 2014)

Traduit par Nathalie Malo


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Les cris perçants empreints de panique de ma petite fille lorsqu’elle me disait ceci:

« Maman, ne pars pas ! » et « Reste, maman ! », faisaient partie du rituel matinal quand je quittais la maison pour me rendre au travail. Elle criait et s'agrippait à mes jambes pour tenter de m'arrêter en exhibant la force brute du tout-petit. Sa voix suppliante résonnait dans ma tête tout au long de la journée. Mon anxiété et ma culpabilité me hantaient, tandis que je m'inquiétais de l'incidence de cette séparation sur son développement. Est-ce que notre séparation était dommageable à sa croissance ? Qu’est-ce que je pouvais bien faire pour apaiser son anxiété et sa détresse ?


Ma gardienne me disait de ne pas m'inquiéter de la détresse manifestée par ma fille, car elle cessait de pleurer aussitôt que j’avais quitté la maison. Or, je me sentais incapable de lui dire que c'était parce que les personnes avec lesquelles elle pleurait habituellement étaient déjà au travail. Bien que ma fille ait eu une gardienne formidable, elle n'était tout simplement pas « maman ou papa ». De plus, leur relation était nouvelle. Ma fille retenait ses larmes jusqu'à mon retour. Après quoi, elle les laissait s’échapper avec une fureur remarquable. Alors que je réalisais que notre séparation était inévitable, il était évident pour moi que nous devions trouver une autre façon de gérer nos « au revoir ».


Pourquoi la séparation est-elle si difficile ?

La séparation en soi est un facteur de provocation pour les jeunes enfants, étant donné qu'elle est liée à leur besoin primordial : l'attachement. En effet, plus un enfant est immature, et plus il est avide de contact et de proximité, et ce, compte tenu de ses besoins de dépendance. Ces enfants ont désespérément besoin que leurs relations leur soient bénéfiques, car cela leur assure qu’ils seront pris en charge. Pour eux, la séparation signifie d’être confrontés à l'absence de leurs attachements. Plus ils en dépendent, plus ils risquent d’éprouver de l'anxiété. Leur désir de contact et de proximité sont donc les facteurs qui les amènent à s'ennuyer de nous au moment où nous sommes absents. Par conséquent, l'attachement constitue la porte d'entrée par laquelle s'ouvre l'anxiété de séparation.


Il convient de préciser que les jeunes enfants sont des créatures d'attachement et qu'ils ne sont pas conçus pour supporter la séparation sans protestation et anxiété potentielle subséquente. À vrai dire, tous les jeunes mammifères disposent d’un cri de séparation destiné à attirer leurs donneurs de soins.[1] Les signes propres à l'anxiété de séparation comprennent notamment : le fait de s'accrocher, de se cramponner, de pleurer et de contester; en quelque sorte pour dire : « Si tu pars, qui va s'occuper de moi ? » D’ailleurs, la séparation au coucher peut s’intensifier, parce que les enfants se trouvent confrontés à la dernière séparation de la journée. Dans cette perspective, nous devons nous poser cette question : Comment pouvons-nous les aider à surmonter les séparations inhérentes à la vie ? Néanmoins, cela ne signifie aucunement que nous ne pouvons pas nous séparer d'eux à un instant précis, mais simplement que nous devons tenir compte des questions d'attachement lorsque nous le faisons.


Les enfants grandissent à merveille quand ils sentent la présence d'une matrice invisible de liens d’attachement qui les entoure. Ainsi, quand une séparation avec un de leurs attachements les plus proches est nécessaire, nous devons leur proposer des relations avec d’autres adultes auxquels ils peuvent se relier. Cependant, le défi réside dans le fait que les enfants ne devraient pas se sentir à l'aise avec des personnes qu'ils ne connaissent pas. Or, des instincts d'attachement adéquats inciteront un enfant à se détourner des individus qui ne sont pas approuvés par ses attachements primaires. Cette façon d’être contribue à assurer leur sécurité et à les maintenir dans la sphère d'influence de leurs parents.


Lorsque nous habitions dans des villages où la vie communautaire était plus tranquille et stable, les enfants connaissaient généralement tous les membres de leur collectivité, et ils étaient faciles pour eux de tisser des liens avec les individus qui en faisaient partie. Les parents ne devaient pas s'efforcer d’élaborer des villages d'attachement, et ils pouvaient considérer ces relations comme acquises. Aujourd'hui, les personnes qui remplacent fréquemment les parents sont des «étrangers» pour ceux-ci. Le défi consiste donc à aider l'enfant à accepter les adultes substituts qui sont présents dans leur vie, pour qu’ils soient en mesure d’établir des relations solides avec eux. Il est important de noter que la relation qu’un enfant entretient avec son donneur de soins lui permet d’atténuer son anxiété de séparation en instaurant un sentiment de familiarité et d’appartenance.

 

Que peut-on faire pour minimiser l’anxiété de séparation ?

 

1. Introduire et jumeler les enfants à leurs donneurs de soins.

Les parents occupent un rôle essentiel quant à l'établissement d'une relation entre leur enfant et un nouveau donneur de soins ou enseignant. Ils deviennent des entremetteurs qui s'efforcent de créer les conditions propices pour que l'enfant et le donneur de soins apprennent à se connaître et à s'apprécier. Ce processus débute généralement par une présentation du donneur de soins à l’enfant, et ce, en mettant l'accent sur les similitudes en matière d'intérêts et d'activités. Lorsque l'enfant constate que ses parents sont chaleureux et cordiaux envers le donneur de soins, ses instincts d'attachement commencent à accepter cette nouvelle personne en tant que membre de son village d'attachements. Il convient de spécifier qu'une intégration progressive peut permettre de réchauffer peu à peu la relation entre l'enfant et l'adulte, où la confiance se développera avec du temps et de la patience. L'anxiété de séparation de l'enfant diminuera habituellement quand il se sera acclimaté à la relation avec son donneur de soins, et avec lequel il se sentira soutenu et protégé. Si nous désirons que les jeunes enfants se sentent à l'aise avec leurs substituts, il serait préférable de favoriser leur relation mutuelle, plutôt que de tenter de s’attaquer directement à l'anxiété de séparation de l'enfant.


L'un des plus grands enjeux actuels lié au développement des jeunes enfants est la pratique courante qui consiste à jumeler les enfants à leurs pairs plutôt qu'à des adultes, et ce, dans le but de leur permettre de s'adapter à un nouvel environnement. Il existe une croyance courante selon laquelle les enfants acquerront des aptitudes sociales en côtoyant d'autres enfants. Par conséquent, ils sont fréquemment poussés à interagir entre eux, en dépit de leur immaturité à ce sujet. Il est indéniable que les enfants peuvent s’intégrer à un nouvel environnement en raison de leur attachement à leurs pairs, mais à quel prix ? En effet, la réaction de l'enfant qui consiste à s'accrocher et à se cramponner à quelqu'un pour surmonter son anxiété de séparation est désormais dirigée vers un pair qui n'est pas en mesure de s'occuper de lui, compte tenu de sa propre immaturité. Cela peut susciter de la frustration entre les pairs, notamment s'ils ont l'impression de ne pas recevoir l'attention qu'ils sollicitent.


Les conséquences à long terme et les séquelles de l'attachement aux pairs par les enfants se traduisent principalement par un manque de réceptivité aux conseils des adultes, de l'anxiété et une diminution de l'expression émotionnelle. Les enfants s'épanouissent davantage lorsqu'ils peuvent se tourner vers des adultes, plutôt que vers leurs pairs pour bénéficier de réconfort, de contact et de proximité. Ainsi, si nous voulons aider un enfant à dire « au revoir » , nous devons faire en sorte que ce ne soit pas un pair qui remplace un adulte auquel il peut se rattacher. Or, Il importe de citer que ce sont uniquement les attachements à des adultes matures et bienveillants qui peuvent offrir la connexion sécurisante et rassurante dont le jeune enfant requiert.

 

2. Favoriser la croissance en approfondissant l’attachement.

L'une des meilleures solutions à l'anxiété de séparation consiste à faire grandir les enfants en des individus qui sont autonomes et fonctionnels. Il s'agit du but ultime d'un développement harmonieux. Toutefois, ce processus nécessite du temps et les jeunes enfants sont encore loin de ce but. À vrai dire, on ne peut pas forcer les enfants à grandir. La meilleure façon d'atteindre ce but est de leur procurer des soins généreux.

Notre meilleur moyen de promouvoir la croissance est de subvenir généreusement aux besoins de dépendance des enfants en leur prêtant toute notre attention, dans la mesure du possible, et en leur transmettant, par le biais de nos mots et de nos gestes, que nous sommes dignes de confiance quant à leur prise en charge. Dès que les enfants sentent que leurs besoins de dépendance sont pris en charge, leur tendance à devenir leur propre personne et à dire « je vais le faire moi-même » se déploiera. C'est cette tendance à être sa propre personne qui les conduit vers un fonctionnement autonome. En l'absence d’une base solide à la maison, ils ne disposent pas de suffisamment de liberté pour développer leur propre identité.


En leur allouant l'espace requis pour grandir à l'abri des distractions (p.ex. la technologie, les pairs, les activités structurées), nous sommes donc plus susceptibles d'aider nos enfants à devenir des êtres distincts qui chercheront à explorer leur univers. La prise en charge et la croissance peuvent fournir la solution ultime à l'anxiété de séparation, à savoir qu’un enfant se sentira suffisamment confiant pour voler de ses propres ailes et d’évoluer au sein du monde. En attendant que ce moment se produise, notre rôle consiste à les aider à se rattacher à des adultes qui peuvent leur offrir les conditions qui leur permettront de s’épanouir librement.

 

3. Les aider à trouver leurs larmes relatives à l’ennui des êtres chers.

Il peut sembler étrange que l'une des réponses à l'anxiété de séparation soit de verser des larmes de tristesse parce que l'on s'ennuie de ses proches. Il existe une croyance qui explique que les larmes et la tristesse révèlent que quelque chose ne va pas ou nuit à l'enfant. Et pourtant, le fait de se sentir triste et pleurer est en fait l'une des choses les plus naturelles pour un enfant, quand il est confronté à des situations qu'il ne peut changer ou retenir. Or, l'un des meilleurs indicateurs pour la santé mentale d'un adolescent est en fait un enfant de trois ans qui est capable d'exprimer sa tristesse par des larmes à propos de toutes les choses qu'il désire, mais qu'il ne peut pas avoir.


Nous devons nous assurer qu'il y ait quelqu'un pour apprivoiser les larmes de l'enfant, et ce, en l'aidant à exprimer la tristesse qui l’habite. Le fait de dire à un enfant de ne pas s'inquiéter ou de ne pas pleurer quand une personne lui manque, ne fait que minimiser ses sentiments et sa conviction qu'un donneur de soins est en mesure de s’occuper de lui. Il importe de mentionner que les larmes de tristesse sont un processus naturel de la vie. De plus, ce fut l'un des meilleurs indices que j'ai eus pour savoir que mon enfant se sentait à l'aise avec le « substitut à sa maman ». Les enfants peuvent intégrer leur nouvelle relation et environnement lorsqu'ils ont suffisamment de larmes et la présence constante d'un adulte bienveillant pour les aider.

 

4. Faire le pont pour réduire l’écart.

Le terme « au revoir » signifie une rupture ou une séparation, mais dans plusieurs langages, il signifie plutôt « à la prochaine ». Les jeunes enfants ont besoin d'entendre ces mots lorsque les « au revoir » sont inévitables. Si nous voulons diminuer leur anxiété de séparation, nous devons les aider à se tourner vers le prochain point de connexion. Pour ce faire, nous pouvons leur parler du moment où nous les reverrons et des activités que nous ferons ensemble à ce moment. Les enfants peuvent alors se rattacher au prochain point de contact et de proximité, au lieu de rester axés sur la distance qui les sépare de la personne qui leur manque.


Demander aux enfants de tenir physiquement un objet qui évoque leur parent peut également aider à réduire l’écart. Leur remettre un médaillon dans lequel se trouvent des photos de leurs proches ou leur écrire des petits mots qu’ils pourront lire au cours de la journée leur permet de se sentir en proximité de leurs être chers. Une maman m'a raconté qu'elle avait mis une photo d'elle dans un sac en plastique et qu'elle l'avait glissée dans la poche arrière du sac de son fils, avant qu'il ne se rende à la maternelle. Il m'a dit que lorsqu'elle lui manquait, il sortait la photo de sa maman et il lui donnait « un baiser sur les lèvres »; ce qui semblait l'aider énormément. Plusieurs objets peuvent être utilisés pour combler l’écart, pour autant que l'enfant puisse les associer à ses parents (p.ex. un porte-clés, une roche spéciale, etc.).


L'anxiété de séparation fait partie des conséquences naturelles de la séparation d'avec les personnes auxquelles nous sommes attachés. En effet, plus un être est immature et a besoin d'être pris en charge, et plus il peut être agité par une séparation. Néanmoins, nous ne devrions pas reprocher cet état de fait aux jeunes enfants, mais nous devrions plutôt les aider à s'accrocher à nous ou à un autre adulte lors de notre absence. Leur anxiété de séparation est un signe qu'ils sont alarmés et qu'ils ont besoin de se sentir davantage en sécurité dans leur environnement. Il existe certaines séparations qui sont trop difficiles à supporter pour un jeune enfant et, lors des premières années de l’existence, la cohérence et la générosité des soins revêtent une importance capitale à son développement intégral. Les séparations sont inévitables, mais nous pouvons les aider à dire « au revoir » en prenant en charge leurs besoins d'attachement et en cultivant des villages qui nous aideront à élever nos enfants.

 

 

Tous droits réservés Deborah MacNamara, 2014 ©

Dre Deborah MacNamara, auteure du livre « Grandir, jouer, s’épanouir », est membre du corps professoral de l’Institut Neufeld, ainsi que directrice de Kid’s Best Bet, un centre de consultation et de ressources familial. Pour de plus amples informations, veuillez visiter :

 


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