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Sécurité émotionnelle et périodes de stress

Updated: May 20, 2023

Comment les enfants peuvent-ils bénéficier de sécurité émotionnelle en période de stress, notamment lors de la rentrée des classes?


Écrit par Hannah Beach (3 septembre 2021)

Traduit par Nathalie Malo



Une fois de plus, les sacs à dos sont bien remplis, les nouveaux souliers de course ont été achetés et les boîtes à lunch se retrouvent sur le comptoir. En effet, il se dégage toujours une sensation familière au cours de la rentrée scolaire. Il est possible qu’il soit question de nervosité, d’appréhension, d’espoir, d’excitation ou d’inquiétude qui se traduisent sous la forme des questions suivantes : « Qui sera mon enseignant? Est-ce que je serai dans la même classe que mes amis? Est-ce que je vais AVOIR des amis? Est-ce que je serai accepté dans les classes que je désirais? Mon enseignant va-t-il m’aimer? Est-ce que je vais trouver mes repères dans l’école? ».


Et pourtant, une fois de plus, les émotions des élèves seront intensifiées. À vrai dire, les enfants et les jeunes n’éprouveront pas uniquement la nervosité habituelle qui est afférente aux premières semaines d’école, mais pour la plupart d’entre eux, cette période sera aussi empreinte d’émotions qui seront doublement exacerbées, et ce, dû au fait que les élèves doivent composer avec les retombées de la pandémie, telles que:

De nombreux enfants sont en deuil. Il se peut qu’ils pleurent la perte d’un être cher et qu’ils refoulent cette douleur en eux. Par ailleurs, il peut exister une multitude de pertes qui sont différentes et qui ne sont pas aussi évidentes, et qui impliquent également un certain niveau de deuil. En réalité, la pandémie a occasionné une grande variété de pertes. Entre autres, les pertes d’une routine, d’être en compagnie de ses amis et de ses proches, des célébrations, de l’école telle qu’ils la connaissaient auparavant et de l’espoir en l’avenir. Ce genre de pertes est plus abstrait que la mort physique, et il advient que notre culture ne dispose pas des rituels requis qui permettent de les gérer adéquatement. Néanmoins, cela ne signifie aucunement qu’elles soient moins significatives que les autres.

De nombreux enfants éprouvent de la frustration. La pandémie a débuté il y a longtemps et il semble que la patience de chacun se soit épuisée. À quel moment cette situation prendra-t-elle fin ? Est-ce que la vie reprendra éventuellement son cours normal ? Alors que le degré de frustration s’accroît, il est probable que nous assistions à un plus grand nombre d’éruptions émotionnelles qui se manifesteront sous forme d’agressivité.

De nombreux enfants sont alarmés. Il est indéniable qu’une multitude de changements se sont produits en un court laps de temps. Ainsi, plusieurs enfants n’ont pas été exposés à des situations où ils se trouvaient en présence de larges groupes d’individus, et ce, sur une longue durée. De plus, ils se sentent anxieux à l’idée de revenir à un apprentissage en présentiel. Tandis que d’autres s’inquiètent pour leur bien-être, ou ils craignent que des membres de leur famille deviennent malades. Et certains, ressentent un sentiment d’alarme invalidant de même qu’un sentiment de désespoir alors qu’ils sont confrontés à une crise existentielle à propos de ce que l’avenir leur réserve.

Au moment où notre système d’alarme s’active et qu’il demeure de cette manière durant un certain temps, nous risquons de devenir fébriles et agités, et subséquemment, de scruter continuellement ce qui, selon nous, pourrait nous être dommageable. Au fur et à mesure que le niveau d’anxiété s’intensifiera, il est possible que nous entendions des enfants se plaindre de maux de ventre, de difficultés à dormir, ou du fait qu’ils se sentent paralysés par la timidité. D’ailleurs, l’anxiété est également à la source de plusieurs autres comportements problématiques que nous pouvons observer auprès des enfants. Cependant, il est fort probable que nous ne soyons pas conscients de l’existence de ce lien.

La situation n’est pas sans espoir. À cet égard, la manière dont nous soutenons les enfants en période de stress exerce une influence considérable sur leur résilience.


Bien que tout ce contexte puisse paraître sans issue, il convient de souligner que ce n’est pas le cas. La façon dont nous soutenons les enfants en situation de stress a un effet déterminant sur leur résilience et leurs capacités à surmonter les épreuves ultérieures qui surviendront au cours de leur existence. Or, à ce moment précis, nous avons une opportunité de faire grandir une génération d’enfants qui seront particulièrement forts et résilients. Pour ce faire, nous devons aider les enfants à se sentir en sécurité, et ce, dès cet instant. Dans le film récemment paru « La sagesse du traumatisme », Gabor Maté dit de manière si émouvante que : « La sécurité n’est pas l’absence de danger, mais plutôt la présence de connexions. ». Ainsi, nous trouverons la guérison par le biais des relations.

Conséquemment, nous devons aider les enfants à trouver des moyens sains pour se libérer d’une fraction de l’anxiété, du chagrin et de la frustration qu’ils peuvent expérimenter. Que nous soyons des parents ou des éducateurs, il existe des stratégies universelles que nous pouvons employer pour permettre aux enfants de se sentir en sécurité et de se désengager de ce qui les bouleverse.


Nous pouvons aider à créer de la sécurité émotionnelle en :

  • Établissant une relation afin qu’ils soient en mesure de se reposer dans la sécurité de notre leadership bienveillant;

  • Instituant un rythme à leurs journées et en s’assurant de prévoir du temps pour entretenir une connexion quotidienne;

  • Leur offrant un espace sécuritaire relatif à la libération émotionnelle.


Soyons concrets! À quoi cela pourrait-il ressembler?


Sur le plan relationnel :

Nous pouvons affirmer que nous sommes conçus pour forger des connexions et que les relations nous procurent un sentiment de sécurité. Dans cette perspective, lorsque nous nous sentons en sécurité, nous pouvons dévoiler qui nous sommes réellement puisque notre timidité s’évanouit, notre voix renaît, et que nous sommes libres de découvrir le monde et d’apprendre. Il importe de préciser que les relations et les connexions constituent les fondements de la sécurité émotionnelle. Plus exactement, les enfants se doivent de savoir que les adultes qui partagent leur vie sont présents pour eux et qu’ils comptent aux yeux de ces derniers. Par conséquent, les enfants ont besoin de se sentir invités, acceptés et considérés par leurs adultes.


Une étude a démontré que les enfants qui sont entourés de parents et d’enseignants qui font preuve d’autorité (à ne pas confondre avec autoritaires) ont davantage tendance à se sentir à l'aise pour exprimer leurs sentiments et leurs opinions, à être heureux ainsi qu’à réussir. Si nous sommes à la fois bienveillants et fermes, alors les enfants ressentent moins de frustration, à savoir moins d’agressivité. Par ailleurs, ils se sentent également plus en sécurité, ce qui signifie une diminution de leur niveau d’anxiété. Essentiellement, les enfants s’épanouissent quand nous prenons le temps d’établir consciemment une relation avec eux, et ce, lorsque nous apprenons à les connaître, à écouter leurs idées et leurs opinions. EN OUTRE, que nous soyons en mesure de leur faire de la place tout en maintenant les paramètres, d’être fermes et de prendre au sérieux notre rôle de leader bienveillant.

Au niveau du rythme :

Il convient de noter que les enfants ont soif de régularité. Le fait de disposer de routines, de rituels et de structures cohérents permet aux enfants de se sentir en sécurité. De surcroît, ils peuvent s'appuyer et compter sur ceux-ci. Un sentiment de sécurité peut être suscité si les enfants peuvent se fier à une routine et s'orienter en fonction d'elle. En réalité, celle-ci contribuera à instaurer un certain rythme à leurs journées, leurs semaines et leurs saisons, et elle peut aussi leur fournir un sentiment de prévisibilité au cours des moments qui s’avèrent être les plus inattendus.


En termes de libération :

Lorsque les émotions sont attisées, il est nécessaire qu’elles aient un endroit où elles peuvent se réfugier et se déverser. En fait, la découverte de moyens sains qui permettent d’acheminer cette énergie émotionnelle peut inciter les enfants à évacuer une part de ce qui sommeille en eux.

Si nous pouvons aider les enfants à expérimenter alors qu’ils se trouvent en mode de jeu, cela permet de laisser davantage de place à l’émergence des émotions perturbatrices. Il importe de spécifier que le mode de jeu ne signifie pas nécessairement le jeu en soi puisqu’il fait plutôt allusion à la façon dont une personne s’engage dans une expérience précise. Aucun résultat n’est attendu lors du passage en mode de jeu et ce qui compte est l’expérience en soi ainsi que l’engagement naturel qu’elle suscite.

L'aspect formidable que revêt l'exploration alors que nous sommes engagés dans ce mode est que notre cerveau peut se détendre, nos défenses peuvent tomber et nous pouvons nous connecter spontanément à tout ce qui nous anime. Il se peut que ce phénomène soit entièrement inconscient, et c’est là que réside toute sa beauté. En effet, nous pouvons, sans nous sentir gênés, accorder de la place à l'expression, et ce, simplement en nous consacrant aux activités fondées sur le processus qui nous conviennent.


Voici quelques idées qui permettent d’aider les enfants à se libérer des émotions qui les habitent :

  • Écouter de la musique tandis qu’ils travaillent

  • Des mouvements physiques (danse, randonnée pédestre, course, défilés…)

  • Des histoires ou des récits

  • La tenue d’un journal intime

  • La poésie

  • Les arts dramatiques (le théâtre, le jeu de rôle)

  • Les arts, en incluant le gribouillage libre

  • Chanter ensemble

  • Simplement être à l’extérieur

  • Le jeu libre!


Nous en avons également de besoin!


Si tout ce qui précède est pertinent pour nos enfants et nos jeunes, alors il nous faut, à notre tour, trouver nos propres moyens qui nous permettront de préserver notre santé émotionnelle.

De nos jours, la notion qui consiste à prendre soin de soi est largement évoquée, et ce à juste titre. Cependant, la majorité des moyens que les individus tentent de mettre en pratique afin de prendre soin d'eux-mêmes impliquent de se pousser et à réaliser des exploits. Il existe un temps et un lieu pour se dépasser, mais dans une culture qui est axée sur la performance et la perfection, nous avons plutôt intérêt à chérir et à valoriser le rôle que le mode de jeu revêt quant à notre prise en charge. En outre, nous devons nous aussi faire de la place pour que nos sentiments puissent se manifester et que nos propres émotions soient en mesure de s’exprimer. Évidemment, la prise en charge personnelle aura une signification différente selon chaque personne. Par exemple, pour certains d'entre nous, cela peut se traduire par de la course à pied, le débitage du bois, la randonnée pédestre et l'activité physique. Et pour d'autres, cela peut se résumer à prendre le temps de se coucher sur le divan et à laisser libre cours à son imagination (tout comme moi), à prendre des bains chauds (c'est également mon cas), à gribouiller ou à éclabousser avec de la peinture tout ce qui se trouve autour de soi.


D’autres exemples d’activités qui nous permettent de prendre soin de nous :

  • Interagir et établir des liens avec d’autres individus

  • Créer une communauté

  • Écouter de la musique tout en lavant la vaisselle

  • Prendre un bain chaud

  • Boire une tasse de thé

  • Réaliser un mur de gribouillages

  • Élaborer une peinture à éclaboussures de style Jackson Pollock

  • Avoir un journal de collimage

  • Tenir un journal de gratitude

  • Tailler du bois

  • Manger du chocolat

  • Faire de la course à pied

  • S’allonger sur le divan et laisser travailler son imagination

  • Faire de la randonnée pédestre

  • Danser sur le gazon nu-pieds

  • Se coucher dans la lumière émise par un rayon de soleil

  • Lire un livre et se perdre dans un autre monde

À vrai dire, il s’agit de trouver un exutoire qui vous occasionne un certain soulagement (sans que celui-ci vous pousse à effectuer ce que vous croyez que vous êtes dans l’obligation de faire), et de l’intégrer dans une activité afin qu’il devienne une partie intégrante de la routine et du rythme propres à vos journées. De plus, il importe que vous soyez indulgent à votre égard. En vérité, nous avons tous besoin de douceur actuellement, et ce, que ce soit autant pour les enfants que pour les adultes.


Cordialement,

Hannah


Tous droits réservés Hannah Beach, 2021©



Hannah Beach est une éducatrice, auteure et conférencière primée. En 2017, elle a été reconnue par la Commission canadienne des droits de la personne comme l'un des cinq principaux acteurs du changement au Canada. Elle est coauteure de Reclaiming Our Students: Why Children Are More Anxious, Aggressive, and Shut Down Than Never — And What We Can Do About It (publié en avril 2020).


Elle offre des services de développement professionnel à travers le pays et fournit des conseils en santé émotionnelle aux écoles.


Trouvez-la en ligne à cette adresse suivante : https://hannahbeach.ca/


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