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Discipline et comportements

Updated: May 19, 2023

De quelle façon les enseignants peuvent-ils adopter une approche qui soit plus compatissante à l’égard des comportements des enfants?

Par Dre Mona Delahooke (3 décembre 2019)

Traduit par Nathalie Malo

Les enseignants de Jalene étaient perplexes quant à la manière de gérer l’habitude de cette élève de quatrième année qui consistait à se précipiter à toute allure dans les corridors de son école. Ainsi, l'équipe qui était chargée de son PEI s'est efforcée d'élaborer un plan comportemental par lequel les enseignants devaient la réprimander sur ce comportement, la retirer de la classe ou la faire asseoir seule dans une « salle d’apaisement ».


Toutefois, ces mesures ont incité Jalene à courir davantage dans les corridors plutôt que de restreindre sa course effrénée.

La problématique ne résidait pas dans le fait que les enseignants n’avaient pas de bonnes intentions. À vrai dire, ceux-ci avaient été formés à cibler et à éliminer certains comportements. Cependant, ils n’avaient pas appris que ces derniers ne constituaient que la pointe de l’iceberg. Or, il importe de trouver les origines et des solutions aux comportements, en s’attardant à ce qui se dissimule derrière eux.

Afin d’illustrer cette occurrence, nous pouvons utiliser une autre analogie qui a été émise par Dean Ornish, un pionnier de la médecine holistique. Ce dernier énonce que lorsque nous misons sur un seul aspect, tel qu’un comportement isolé, cela équivaut à : « éponger l’évier avec une vadrouille au lieu de couper l’eau ». En d’autres termes, quand nous punissons un enfant tel que Jalene pour « s’être mal conduit », sans comprendre que son comportement sert un but adaptatif, alors nous négligeons la vue d’ensemble. Conséquemment, il serait préférable de trouver un moyen de couper l’eau au lieu de passer la vadrouille dans le but de découvrir ce qui suscite réellement les comportements.

Au cours de mes décennies de pratique dans le domaine de la psychologie de l’enfance, j'ai été témoin à maintes reprises des contraintes inhérentes à une approche qui privilégie les comportements au détriment de leur raison d’être. En effet, une telle pratique engendre généralement de nouvelles difficultés tel que ce fut le cas pour Jalene. Par exemple, les échelles de comportement qui sont placées sur les murs de la classe peuvent accroître les niveaux d'anxiété et de stress de l'enfant concerné, ainsi que pour ses nombreux camarades de classe qui assistent à la chute de la position de l'enfant sur cette échelle. À cet égard, j'ai rencontré tellement d'élèves qui s’inquiétaient d’un système de gestion du comportement bien qu'ils n’exhibaient aucun trouble de comportement. Et pourquoi ? Parce que la simple présence de cet outil dans la classe fournit des repères visuels qui invoquent un sentiment de menace plutôt que de sécurité.


Malheureusement, je constate régulièrement que notre système d'éducation est particulièrement axé sur la gestion des comportements et qu’il ne s'intéresse aucunement aux origines de ces derniers.


Cependant, il convient de rappeler que cette conjoncture ne se limite pas à l'école puisque l'enfant amène souvent son stress à la maison. Par ailleurs, il faut également tenir compte du stress qui est ressenti par des parents soucieux qui appréhendent de recevoir des appels téléphoniques de la part des enseignants et de la direction, et qui pourraient laisser sous-entendre que leur parentalité est partiellement à blâmer pour les difficultés que rencontrent leur enfant.


Après avoir été témoin de ces pratiques durant des décennies, ce fut uniquement lorsque j'ai étudié le cerveau et les sciences du développement que j'ai découvert à quel point la gestion comportementale encourage les enseignants et les parents à miser sur les comportements préférablement à leurs causes. Dans cet ordre d’idées, je suis parvenue à obtenir de meilleurs résultats lorsque j'ai commencé à m’intéresser davantage à ce que les comportements dévoilaient à propos des besoins de l'enfant quant à ses relations et à son environnement. De surcroît, les équipes avec lesquelles je collaborais ont appris à apprécier les problèmes comportementaux en fonction des renseignements qu'ils divulguaient relativement au soutien à apporter à l’enfant. À cet effet, quand nous avons cherché à regarder au-delà du comportement, nous avons été en mesure de déterminer ce à quoi l'enfant réagissait, et subséquemment, nous avons été en mesure de comprendre davantage la signification de son comportement.


Un excellent exemple repose sur fait que les enseignants de Jalene ont réalisé qu'il existait une raison pour laquelle elle s’agitait dans les corridors. En réalité, lorsqu'elle entendait des voix retentir sur les murs de béton et les tuiles du plancher, cela plongeait son système nerveux dans une réaction « de combat ou de fuite ». Or, le penchant de Jalene qui consistait à se sauver se révélait être un moyen inconscient et adaptatif de protection.


Partant de ce fait, ses enseignants et ses parents ont cessé de la blâmer et ont démontré de la compassion dès qu'ils ont compris la nature du stress psychologique de Jalene. Le plan établi a évolué en mettant l’accent sur l’accompagnement de l'enseignant et du préposé, plutôt que de tenter de modifier le comportement en question ou la jeune fille. Par conséquent, quand ils ont accompagné Jalene dans le corridor, ils sont restés à ses côtés afin de la soutenir. Ils se sont également organisés pour qu'elle porte de jolis cache-oreilles roses alors qu'ils marchaient avec elle, et ce, tout en lui tenant la main et en lui adressant un regard affectueux et chaleureux au lieu d’un regard empreint de jugement. Il importe de préciser que l’ensemble de cette démarche s'est avérée fructueuse. Dans une telle perspective, le corridor est donc devenu imprégné d'indices de sécurité plutôt que de menaces pour Jalene, et ses épisodes de fugue ont progressivement diminué au fil du temps.


Il convient de mentionner que notre système d’éducation opère à partir d'un modèle qui considère les comportements indépendamment du corps, de l'esprit et des relations de l'enfant. Or, il serait judicieux que nous véhiculions tous un message en faveur d'un nouveau paradigme qui substitue la science du comportement par des pratiques basées sur les neurosciences, et dont la compassion en serait l’élément central.


Le message qui s'adresse essentiellement aux enseignants, aux directeurs et aux parents est le suivant: « Au lieu d'essayer d’éliminer les comportements indésirables, nous pouvons faire preuve de compassion envers les enfants qui les adoptent. En vérité, les comportements nous en disent considérablement sur la manière dont un enfant perçoit le monde et les adultes qui l'entourent. En terminant, nous pouvons reprendre les propos d'Alexander Den Heijer pour illustrer ces propos: « Quand une fleur ne fleurit pas, on corrige l'environnement dans lequel elle pousse. Pas la fleur ».


Je partage plus amplement sur la façon dont nous pouvons comprendre et soutenir les enfants exhibant des troubles de comportement dans mon livre intitulé : « Beyond Behaviors ». De plus, je vous explique également en détail la manière selon laquelle nous pouvons utiliser les pratiques de gestion des traumatismes dans les domaines de l’éducation et de la parentalité.





Tous droits réservés Mona Delahooke, 2019©

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