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Traumatisme et pandémie

Updated: May 19, 2023

La façon dont les pratiques adaptées aux traumatismes peuvent nous aider à retrouver notre chemin suite à la pandémie.

Par Dre Mona Delahooke (29 avril 2021)

Traduit par Nathalie Malo

Nous pouvons admettre qu’à certains moments de la pandémie, nous ne pensions aucunement que ce moment puisse arriver. Et pourtant, les enfants ont regagné les salles de classe au fil des jours et des semaines. Tandis que nous envisageons l’avenir, il est primordial de considérer que nous avons tous été soumis à une phase prolongée de stress. En effet, nous avons été exposés pendant plusieurs mois à des menaces existentielles, lesquelles ont suscité un niveau de stress supplémentaire et parfois même des traumatismes. Pour la plupart d’entre nous, un mois ou deux de conjoncture pandémique aurait engendré une quantité modérée ou gérable de stress, et possiblement une consolidation de notre résilience. Cependant, la situation s’est éternisée et elle continue de nous accabler, et ce, malgré le fait que les vaccins soient devenus plus facilement accessibles à l’échelle planétaire et que nous soyons en mesure de percevoir ce qui semblerait être la lumière au bout de cet interminable tunnel.


Les enfants, les parents et les enseignants doivent se préparer à une nouvelle transition alors que les conditions évoluent vers un semblant de normalité ici, aux États-Unis, et dans d’autres pays. Afin de composer avec ce changement, il serait préférable de nous inspirer de la sagesse des pratiques de gestion des traumatismes puisqu’elles sont aptes à atténuer le niveau de stress qui survient inévitablement à la suite des événements auxquels nous avons été soumis depuis le début de la pandémie.

Voici quelques conseils :

Il importe de comprendre que tous (élèves, enseignants, personnel scolaire) effectueront leur retour à l’école en arborant des systèmes nerveux qui seront davantage sensibles au stress qu’ils ne l’étaient auparavant. En fait, nous avons tous connu une phase prolongée qui était empreinte de stress toxique et il nous faudra un certain temps pour nous en remettre. De plus, il convient de souligner qu’il est fort probable que l’impact soit plus sévère pour les personnes qui ont vécu du stress toxique ou des traumatismes préalablement à l’avènement de la COVID-19.

Pour les adultes : Il est possible que vous constatiez que votre seuil de tolérance face aux irritants est moindre que précédemment. Il se peut que vous soyez contrarié, en colère, ou agité plus facilement et que vous ressentiez le besoin de discipliner de façon plus sévère que par le passé. Vous pouvez également vous sentir triste, épuisé, éparpillé dans vos pensées. En outre, vous pouvez remarquer que votre rendement, votre sens de l’organisation et votre vitalité diffèrent à ce qu’ils étaient une ou deux années plus tôt.

Pour les enfants : Il se peut qu’ils adoptent des comportements plus « problématiques » que jadis. Par conséquent, ils éprouvent probablement un besoin plus prononcé de bouger leur corps. Autrement dit, cela implique une intensification de la bougeotte, des coups, des bousculades, des paroles déplacées et d’une moindre réceptivité auditive. Par ailleurs, les enfants risquent d’expérimenter davantage de difficultés à être attentifs et à rester concentrés sur la tâche. Certains se désintéresseront et se tiendront à l’écart de la pièce ou de la cour de récréation. Nous devons nous montrer particulièrement vigilants à l’égard de ces derniers, et ce, étant donné qu’il est plus sain pour le système nerveux de bouger que de se désengager. Conséquemment, il est important d’être attentif au niveau de stress des enfants.

Comment devrions-nous réagir? Avant tout, vous devez prendre conscience de la manière dont le corps humain se sent et se comporte lorsqu’il est soumis à un stress et à un traumatisme. Vous pouvez alors utiliser cette connaissance dans le but de favoriser le processus de guérison. Il importe que vous preniez soin de vous et que vous minimisiez les attentes que vous entretenez à votre égard alors que vous reprenez un nouvel horaire « normal », et ce, quel qu’il soit pour vous. De surcroît, les enfants auxquels vous enseignez ou élevez tireront directement profit du fait que vous êtes capable d’identifier diligemment l’état de votre système nerveux.

Ensuite, attardez-vous aux questions suivantes : Qu’est-ce que votre système nerveux vous demande? De bouger, de chanter, de prendre une tasse de thé ou de café, ou d’essayer de vous coucher plus tôt ce soir? Comment pouvez-vous rencontrer ces besoins à court terme? (N’oubliez pas que nous entamons un processus de récupération. Or, ces sentiments ne persisteront pas indéfiniment si nous nous accordons le temps et l’espace requis).

Par la suite, il vous sera possible de tenir compte des enfants.

Les enfants sont appelés à se sentir régulés dans leur corps dans le but d’être en mesure d’apprendre. Dans cette perspective, comment pouvons-nous les aider à s’autoréguler? Pour ce faire, nous devons redéfinir les comportements au-delà des apparences. Hélas, un grand nombre d’enseignants ont été formés à privilégier la conformité des enfants plutôt que la régulation émotionnelle, alors que celle-ci représente ce dont ils ont réellement de besoin. En ce sens, il convient de spécifier que plus les comportements sont problématiques, et plus le système nerveux de l’enfant est vulnérable.

Mon collègue Ross Greene formule ce concept de la façon suivante : Les comportements constituent un signal et ils ne devraient pas être la cible de nos interventions. Pour cette raison, nous ne devrions pas punir les enfants pour les signaux qu’ils envoient, mais préférablement les utiliser en vue de déterminer ce qui se dissimule derrière; notamment que l’enfant ne sent pas en sécurité sur le plan physiologique. Dorénavant, et ce, plus que jamais, nous devons dépasser les comportements pour nous intéresser à leurs significations sous-jacentes. À défaut de le faire, notre chemin du retour de la pandémie sera nettement plus ardu.

En effet, tout débute avec nous, c’est-à-dire les adultes qui se trouvent dans la pièce. Au moment où vous vous sentez en perte de contrôle, agités ou bouleversés, il est conseillé de remarquer ce qui se passe, sans vous juger ou vous sentir coupables. Il convient de préciser qu’il s’agit de réactions normales en réponse au chaos et aux bouleversements que nous avons tous subis. Par la suite, il est conseillé de transmettre cette prise de conscience à votre enfant ou à vos élèves. Si les enfants dont vous avez la charge commencent à manifester des signes de stress en bougeant leur corps ou en parlant d’une manière qui semble « non conforme », vous devriez avoir recours à une perspective qui répond adéquatement aux traumatismes. Nous devons garder à l’esprit que les enfants cherchent à nous faire plaisir, et que s’ils s’en montrent incapables, il existe forcément une raison.

  1. Examinez le comportement et analysez ce qui le sous-tend. Est-ce que les mouvements corporels de l’enfant vous indiquent qu’il ne se sent pas en sécurité émotionnellement?

  2. Reformulez le comportement en termes de réponse au stress et agissez en conséquence.

  3. Délaissez les systèmes de gestion du comportement, évitez de dire à l’enfant de se comporter adéquatement ainsi que de lui remémorer les règles établies.

  4. Abordez l’enfant avec compassion et considérez-le tel un être humain qui éprouve des difficultés à se réintégrer par suite d’une absence prolongée. D’ailleurs, il faut tenir compte du fait que les enfants requièrent du temps pour se familiariser avec les transitions. Il est recommandé d’adoucir le ton de votre voix ainsi que votre regard, de détendre votre posture, et d’établir une relation par le biais de la réassurance plutôt que d’avoir recours à la discipline.

  5. Soyez au courant de la méthode adaptée aux traumatismes dans le domaine de l’éducation et de ce qu’elle implique, alors que nous redéfinissons la signification des comportements des enfants et des adultes qui tentent d’évoluer dans un contexte qui est caractérisé par du stress toxique.

  6. Demandez de l’aide en cas de besoin. Prenez du temps libre, que ce soit pendant une heure ou une journée, si vous en ressentez le besoin, et ce, de manière à préserver votre propre régulation émotionnelle.


Ensuite, expirez et appréciez tout simplement le moment présent. Veillez à prendre conscience de ce que votre corps vous communique. Accueillez ce message et ne lui faites pas obstacle. De plus, souvenez-vous qu’il est tout à fait acceptable de faire preuve de compassion à votre égard. En agissant de la sorte, cette compassion se répercutera sur les enfants concernés. Alors que nous nous réunissons pour entreprendre cette nouvelle aventure, prenons le temps de rendre nos pratiques parentales et éducatives supérieures à ce qu’elles étaient auparavant.




Tous droits réservés Mona Delahooke, 2021©

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