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Ce que nos enfants souhaitent que nous comprenions à propos de l’agressivité

Updated: Jun 26, 2023

Par Dre Deborah MacNamara (30 septembre 2020)

Traduit par Nathalie Malo


Il existe probablement peu de choses qui soient aussi choquantes que le comportement agressif adopté par les enfants pour un parent. À vrai dire, le défi qui est le plus difficile à relever survient lorsque nos propres enfants s’attaquent les uns aux autres, et que subséquemment, notre loyauté doit se partager dans deux directions. Dans cette perspective, nos instincts qui visent à protéger l’enfant qui a été heurté se déchaînent de même que notre frustration. Cependant, quand nous prenons en charge le comportement de celui qui commet l’agression, et ce, sans songer à sauvegarder la relation, nous risquons fortement d’envenimer la situation. La question à laquelle nous devons nous attarder est celle-ci : « Comment pouvons-nous amener nos enfants à délaisser le mode d’attaque et à adopter une manière qui est plus mature pour interagir? ».


Le terme « agressivité » se définit comme étant l’impulsion d’attaquer ou de s’en prendre à quelqu’un, et elle peut être exprimée physiquement ou verbalement. Il importe de préciser que l’émotion primaire qui suscite le comportement agressif est la frustration et que celle-ci est profondément ancrée dans le cerveau. En fait, elle est fréquemment confondue à la colère. Néanmoins, la colère est une expression de la frustration où le blâme a été attribué à un individu ou à un objet. À l’instar de la colère, les sources de l’attaque et de l’agressivité sont issues de l’émotion singulière que constitue la frustration. Ainsi, une question demeure: D’où provient la frustration en premier lieu?


Au cours de notre vie, il arrive que nous ayons à faire face à de nombreuses situations qui s’avèrent futiles ou qui ne changeront pas. Parmi celles-ci, il est possible d’évoquer le fait de perdre, d’être contrarié, de ne pas être le meilleur dans tout, d’être incapable de faire changer l’avis ou la décision d’autrui, de ne pas avoir le droit de faire ce que nous voulons, de devoir tolérer sa fratrie, de partager son parent ou de devoir délaisser de belles expériences ou biens. Quand il s’agit d’un enfant, les sources de frustration les plus significatives se rapportent aux relations qui ne fonctionnent pas conformément à ses désirs, de même qu’aux limites et aux restrictions qui lui sont imposées. Il est important de souligner que la frustration n’est pas toujours dirigée vers la véritable cause de celle-ci. En effet, il n’est pas inhabituel que les frères et les sœurs soient la cible d’une frustration injustifiée, que ce soit à la suite d’une journée scolaire particulièrement difficile ou en raison de règles qui ont été prescrites par les parents.


Le plan d’attaque

Les émotions remplissent une fonction précise, et le rôle de la frustration est de modifier quelque chose qui ne marche pas ou tout simplement de l’arrêter. Cependant, il convient de noter qu’il arrive parfois que le changement soit impossible à réaliser. À titre d’exemples, prenons le cas d’un parent qui ne peut pas acheter à tout coup le jouet tant convoité et ce, dès que son enfant le réclame, ou le cas d’un frère ou d’une sœur qui ne souhaite pas partager avec lui. Or, si la tristesse ou la déception ne sont pas des émotions auxquelles l’enfant adhère spontanément, tel un volcan qui explose sous la pression, son énergie émergera communément sous la forme d’une attaque qui est destinée à relâcher la frustration et ensuite, cette dernière se déversera sur tout ce qui l’entoure.

L’agressivité peut emprunter de nombreuses formes, telles que des crises de colère, des morsures, des cris, des coups, des lancers d’objets, des auto-agressions, des sarcasmes, de l’ignorance, de l’hostilité, de l’irritabilité ou de l’impolitesse. En effet, chaque enfant semble être doté d’une disposition particulière pour exprimer sa frustration, et en ce qui concerne les jeunes enfants, celle-ci se manifeste généralement sous une forme physique. Dans le contexte d’un développement optimal, un enfant qui est âgé de plus de quatre ans communiquera davantage sa frustration verbalement et il se servira de ses mots en tant qu’objet d’attaque. Par exemple, un père m’a raconté qu’il avait demandé à son fils de quatre ans d’avoir recours à ses mots pour extérioriser sa frustration plutôt que de le frapper. L’enfant a alors choqué son père en disant ceci : « Je veux juste faire pipi sur toi papa. »

Il est vrai que la frustration est destinée à tenter de modifier les circonstances favorablement lorsqu’il est impossible d’avoir ce qui est souhaité. Or, il arrive parfois que ce soit nous qui devions changer et sentir la tristesse normale qui accompagne ce désappointement.

Toutefois, il convient de spécifier que l’agressivité surviendra si l’enfant se trouve dans l’incapacité de s’adapter émotionnellement et de ressentir la futilité propre au fait de ne pas toujours obtenir satisfaction.

Être en désaccord avec les retraits

Dans le but d’amener les enfants à « arrêter » et à « se calmer », il se peut que les adultes utilisent des méthodes disciplinaires qui ne feront qu’exacerber la frustration de ceux-ci. Conséquemment, les retraits, hausser le ton, les conséquences ainsi que le fait d’alarmer un enfant au moyen de menaces risquent probablement d’accroître sa frustration et de le rendre plus susceptible de recourir à l’attaque. À vrai dire, plus vous essayez de maîtriser un enfant incontrôlable, plus vous risquez de mettre votre relation en péril. Néanmoins, nous ne pouvons pas nous contenter de rester les bras croisés et de permettre à d’autres enfants de souffrir parce que nous n’avons pas su faire preuve de leadership.


Quand un enfant est empreint d’une énergie d’attaque, il est essentiel de maintenir le cap et de créer une issue à la situation ou à l’environnement dès que possible. À ce propos, il est imprudent de chercher à réaliser des progrès auprès d’un enfant alors qu’il est envahi par de la frustration (et vraisemblablement lorsque nous le sommes également). Dans cet ordre d’idée, nous pouvons normalement parvenir à de meilleurs résultats à partir du moment où ses émotions ont été exprimées et qu’elles sont moins intenses. Par ailleurs, si nous pouvons le conduire à sa tristesse et à ses larmes d’une manière qui se veut efficace et bienveillante, l’enfant sera mieux outillé pour composer avec les futilités qui sont présentes dans sa vie et à apprendre de ces dernières. En principe, comme c’est le cas pour tant de problèmes lorsqu’il s’agit des enfants, la solution résidera le plus souvent dans le jeu.


Adoucir l’enfant par l’entremise du jeu

Que devons-nous faire lorsque les enfants semblent chevaucher d’une crise de colère ou d’un comportement agressif à l’autre? Il importe de mentionner qu’il arrive parfois que leurs systèmes émotionnels passent en vitesse accélérée et que l’énergie d’agression se déclare à tous les coins de rue. Entre autres, nous pouvons observer parmi les signes de défense émotionnelle l’absence de larmes profondes au cours des moments de détresse, les éruptions récurrentes d’énergie offensive et de l’agitation incessante. Dans une tel contexte, nous pouvons nous poser la question suivante : « Comment est-il possible d’effectuer des progrès si un enfant est en proie à une frustration malsaine? »


Le jeu peut se révéler un agent adoucissant quand le niveau d’agressivité est particulièrement élevé. D’ailleurs, il va sans dire que lorsque nous jouons, rien ne correspond à la réalité. Or, si les individus concernés sont en sécurité et qu’ils ne sont pas véritablement agressés, l’énergie émotionnelle de l’agressivité peut être extériorisée en toute quiétude grâce à moyens créatifs. Conséquemment, vous pouvez commencer par tenter de mobiliser l’enfant selon une forme d’agressivité fictive, notamment en initiant des jeux de guerre (avec des épées en carton), en recourant à des jeux de combat (avec des oreillers mous), en jouant à celui qui est blessé (tout en gémissant d’une souffrance exagérée et amusante), ou en parodiant l’agressivité (en grognant comme un ours, en rugissant comme un lion ou en aboyant comme un chien). À titre d’exemple, une mère que je connaissais avait pour habitude de jouer au « blaireau de miel » (un mammifère réputé pour être féroce et robuste) avec son fils, où ils devaient prétendre d’être agressifs et débordants d’énergie offensive. Il convient de souligner que la beauté du jeu réside dans le fait que le cerveau est incapable de distinguer entre ce qui est réel et imaginaire, en assurant ainsi une libération des sentiments de frustration.


L’émotion de frustration peut également être expulsée par des activités ludiques qui tentent de modifier les choses ou de changer leur forme. À cet effet, lorsque vous amenez un enfant à construire ou à réparer des objets, à les réassembler et à les réorganiser, à les détruire ou à les démanteler, à bricoler, à créer, à faire pousser ou à cultiver des plantes, vous favorisez donc l’expression de sa frustration. Somme toute, quand un enfant a eu le temps de jouer sa frustration et d’exprimer ses émotions, il risque de devenir plus tendre et facile à gérer, et conséquemment, plus susceptible de trouver les mots pour décrire ses sentiments, ou d’être dirigé vers sa tristesse ou sa déception.


Après la tempête

L’art de gérer l’agressivité de l’enfant consiste essentiellement à atténuer sa frustration ainsi qu’à lui permettre d’entrer en relation avec ses émotions intenses, et ce, tout en prenant soin de protéger les autres enfants. La bonne nouvelle étant que dans le cas d’un développement optimal, un enfant devrait être apte à contenir ses réactions excessives lorsqu’il est âgé entre cinq et sept ans. Il importe de spécifier que les enfants sensibles peuvent nécessiter un peu plus de temps pour parvenir à un contrôle supérieur de leurs impulsions de même qu’à une meilleure régulation émotionnelle; ce qui survient habituellement entre sept et neuf ans. Or, la maturité se produit normalement quand le cerveau est suffisamment développé dans la région du cortex préfrontal, et subséquemment, les enfants deviennent capables de résister à la tendance de s’en prendre à autrui alors qu’ils sont perturbés par tout ce qu’ils ne peuvent changer.


Il est vrai que nos enfants ne naissent pas avec des mots pour exprimer leurs sentiments et qu’ils requièrent des adultes l’apprentissage d’un langage qui soit apte à refléter leur monde intérieur. En principe, nous pouvons contribuer à favoriser l’adoption de solutions alternatives à leur frustration, notamment en trouvant des mots pour exprimer les sentiments qui les habitent. Il est à noter que lorsque nous nous penchons sur la frustration des enfants (plutôt que sur l’attaque, l’agressivité ou la colère), nous sommes alors aptes à leur inculquer des moyens qui sont socialement adaptés pour aborder leurs émotions et par conséquent, à leur témoigner notre empathie. Cette façon de procéder débute en les invitant à exprimer ce qui ne fonctionne pas dans leur vie ou ce qui doit être changé. Ensuite, nous pouvons nous rallier à eux afin de faire état de leurs sentiments et de les amener à comprendre la manière pour laquelle cette émotion est engendrée. Entre autres, il peut s’agir d’un geste aussi simple que celui qui vise à admettre que cela peut être difficile lorsque nous n’obtenons pas ce que nous désirons ou lorsqu’une personne refuse de partager avec nous.

De surcroît, nous pouvons inciter une autre réponse à la frustration en encourageant nos enfants à solliciter notre aide en premier lieu, et ce, quand les circonstances sont défavorables. Plus précisément, vous pouvez leur demander de venir vous chercher ou d’utiliser leurs mots pour vous appeler lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés. Comme vous connaissez bien votre enfant, vous pouvez également travailler avec lui avant que les incidents ne surviennent, plutôt qu’au moment de l’attaque, et conséquemment, de faire appel à ses bonnes intentions en termes de comportement. En outre, vous pourriez lui dire ceci : « Est-ce que je peux compter sur toi pour ne pas prendre les jouets de ton ami et d’attendre ton tour? ». Il importe de mentionner qu’il est plus facile d’anticiper un problème que de le régler sur le coup alors que le niveau de frustration est à son comble.


De manière à traiter efficacement une problématique de frustration ou d’agressivité, il serait préférable de nous tourner vers des solutions qui sauvegardent notre relation, et ce, tout en guidant patiemment l’enfant vers une plus grande maturité par le biais de stratégies qu’il sera en mesure d’utiliser. Il convient de préciser que lorsque nous trouvons un moyen pour aborder la frustration qui bouleverse les enfants, et ce, quand le monde environnant ne peut être changé, nous leur permettons donc de s’adapter et de faire face aux expériences difficiles. Dans cette optique, au fur et à mesure que les enfants grandissent, cette approche permettra de créer un climat de confiance entre les deux parties et elle les encouragera à chercher notre encadrement en cas de besoin.


Tous droits réservés Deborah MacNamara © 2020


Dre Deborah MacNamara est la directrice du centre de consultation et de ressources familiales Kid’s Best Bet et membre du corps professoral de l’Institut Neufeld. Elle est également auteure de l’ouvrage « Jouer, grandir, s’épanouir », qui a été traduit dans 11 langues ainsi que du livre d’images «The Sorry Plane».


Pour de plus amples renseignements, veuillez visiter le site Web suivant : https://macnamara.ca/




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