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Récompenses et Conséquences

Est-ce que les récompenses et les conséquences peuvent aggraver les problèmes de comportements de l’enfant?

Par Dre Mona Delahooke (25 mars 2019 - révisé août 2022)

Traduit par Nathalie Malo


« Martina » est une fillette de 7 ans qui se trouve au sein d’une classe d’intégration mixte. Elle voulait faire comprendre à son enseignante qu’elle se sentait anxieuse, et elle a donc essayé d’entrer en relation avec elle en lui prenant le bras et en lui tirant sur la chemise maintes fois. Toutefois, l’enseignante avait été formée à ignorer les comportements « négatifs », à un point tel, que plus Martina s’agrippait à elle, et moins elle lui accordait de l’attention. En réalité, la stratégie de l’enseignante avait pour nature de récompenser les comportements positifs et d’imposer des conséquences à ceux qui étaient négatifs.

Ultimement, en interprétant les gestes de Martina comme étant un comportement inadapté qui aurait été appris, l’enseignante a demandé au préposé de se tenir à l’extérieur de la classe avec l’enfant pour lui permettre de se calmer. Cependant, plutôt que de se tranquilliser, Martina est devenue si bouleversée qu’elle s’est souillée; un indice qui révèle que son système nerveux autonome était soumis à un niveau élevé de stress. Par conséquent, la tentative bien intentionnée de l’enseignante qui consistait à résoudre la problématique en question n’a pourtant fait que l’exacerber.

En vérité, j’ai observé ce genre de scénario à de multiples reprises au cours des nombreuses décennies où j’ai exercé à titre de psychologue pour enfant. Plus précisément, j’ai travaillé avec plusieurs centaines d’enfants qui manifestaient des problèmes de comportement, dont certains étaient issus de foyer aimants et stables, tandis que d’autres provenaient de foyers d’accueil; parmi tous ces enfants, certains étaient biologiques, et d’autres avaient été adoptés. J’ai constaté que la discipline conventionnelle, qui se fonde sur les systèmes de récompenses et de conséquences, ne fonctionne tout simplement pas pour la majorité de ces derniers. Effectivement, certains enfants finissent par recevoir un diagnostic tel que celui du TOP (trouble oppositionnel avec provocation). Ainsi, les approches de gestion comportementale préconisées pour un grand nombre d’entre eux s’avèrent non seulement inefficaces, mais elles amplifient également le problème existant.


Alors, pourquoi les récompenses et les conséquences ne fonctionnent-elles pas pour certains types de problèmes comportementaux? C’est tout simplement parce que les approches qui se penchent sur la gestion des symptômes comportementaux ne sont pas nécessairement fondées sur les neurosciences courantes et sur notre compréhension du développement émotionnel. Or, lorsque nous adoptons une approche qui est basée sur les neurosciences, nous constatons que les comportements problématiques des enfants s’estompent quand nous répondons adéquatement à leurs besoins relationnels, affectifs et physiologiques.

En d’autres termes, au moment où nous évaluons correctement les besoins spécifiques d’un enfant, nous sommes donc en mesure de diriger notre attention sur les origines et les déclencheurs relatifs aux troubles du comportement plutôt que de toujours tenter de modifier le produit fini, soit les comportements en eux-mêmes.

À vrai dire, les méthodes qui mettent l’accent sur l’attribution de récompenses et de conséquences sont conçues en partant du principe que l’enfant agit délibérément, soit en cherchant à susciter une réaction des adultes ou en essayant d’éviter d’accomplir une tâche. Toutefois, cette banalisation des comportements omet toute une catégorie de comportements qui ne sont pas intentionnels, à savoir les comportements ascendants « bottom-up » qui reflètent les réactions aux expériences et aux déclencheurs inconscients de l’enfant. Quand nous réagissons à ces comportements en infligeant des conséquences négatives, nous occasionnons des comportements qui sont davantage problématiques, et par-dessus tout, nous punissons par inadvertance les réactions de stress involontaires de l’enfant. Somme toute, cela explique probablement la raison pour laquelle 50 000 enfants d’âge préscolaire sont suspendus à chaque année.

Lorsque nous approfondirons notre vision et notre compréhension d’un « mauvais » comportement comme représentant plutôt des tentatives de l’enfant à se sentir mieux (sous la forme d’instincts d’attachement), cela changera notre démarche. En outre, quand nous examinons ce qui sous-tend un comportement au lieu d’envisager la discipline en tant que l’unique option valable, alors il nous devient possible de « voir » véritablement l’enfant tel qu’il est. Plutôt que de le punir, nous pouvons estimer son comportement en fonction de ce qu'il nous dit à propos de ce que l'enfant nécessite de la part de ses donneurs de soins.

Il convient de noter que le parcours qui mène à la réussite consiste à intensifier le sentiment de sécurité relationnelle de l’enfant.

Au moment où nous comprenons le fonctionnement du système nerveux autonome, nous sommes donc aptes à mettre les problèmes de comportement dans un contexte qui est approprié. Or, nous pouvons distinguer un large éventail de déclencheurs, tels que les pensées, les sensations physiques, les peurs, la honte ou l’embarras. De plus, ces derniers peuvent être à l’origine des comportements imprévisibles et problématiques d’un enfant. Il importe de mentionner que lorsque nous regardons au-delà des comportements de manière à nous intéresser à leurs causes, nous élargissons nos options afin d’inclure des stratégies qui respectent le développement neurologique de chaque individu. À cet égard, les enfants qui rencontrent des défis comportementaux bénéficieraient grandement d’une sécurité relationnelle.


Tous droits réservés Mona Delahooke, 2022©

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