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Les danses relationnelles et pourquoi elles importent

Updated: May 19, 2023

Par Dre Deborah MacNamara (17 janvier 2021)

Traduit par Nathalie Malo


En premier lieu, il convient de souligner un fait évident, soit que la vie est inconcevable sans la présence de l’attachement. Nous débutons tous notre existence sous la forme de cellules qui se fixent à l’utérus de notre mère. En outre, le corps de celle-ci fournit à ces cellules un endroit qui est chaud et sécuritaire où elles peuvent se multiplier et se diviser. La transformation cellulaire se veut un phénomène spectaculaire et elle offre une magnifique opportunité d’observer la vie se dérouler devant nous au moyen de la connexion. Alors que le cordon ombilical apparaît au cours des premiers stades du développement, il importe de noter que ce dernier unit la mère et l’enfant entre eux. À vrai dire, ce cordon deviendra la voie de partage de nutriments et de substances, dont les cellules fœtales qui pénètrent le corps de la mère et qui se logent au niveau de son cœur, de ses poumons et de ses autres organes vitaux (1).


Si l’attachement physique entre la mère biologique et son enfant est un phénomène captivant, celui-ci a tendance à faire abstraction à une autre forme d’attachement qui s’avère pourtant cruciale au développement de l’enfant. En effet, le lien émotionnel que nous entretenons avec nos enfants procure une enveloppe psychologique à partir de laquelle ils sont aptes à se développer dans le monde extérieur. À cet égard, les enfants nécessitent d’être attachés émotionnellement bien après que les liens physiques qui les unissent aux adultes soient coupés. D’ailleurs, quoiqu’elles soient invisibles à l’œil nu, ces attaches émotionnelles serviront à leur allouer des soins, des conseils et de la protection. Toutefois, il importe de mentionner qu’il n’est pas indispensable d’être biologiquement apparenté à un enfant pour que l’attachement émotionnel se produise, d’où le proverbe: « Où se trouve le cœur, là est la maison ».


Pourquoi l’attachement psychologique revêt-il tant d’importance?

La relation que nous forgeons avec nos enfants, et ce particulièrement au cours des premières années de leur vie, est d’une importance capitale puisqu’elle contribue non seulement à leur développement physique et cognitif, mais qu’elle façonne également leur système émotionnel, leur sens d’identité, et qu’elle nous permet de nous occuper d’eux. En principe, les enfants sont portés à suivre et à apprendre des personnes auxquelles ils sont attachés. Dans cette perspective, nous devons nous poser les questions suivantes : « Comment se manifeste cet attachement? Comment pouvons-nous savoir si nous avons établi une relation adéquate avec notre enfant? Dans quelle mesure l’attachement aide-t-il notre enfant à atteindre son plein potentiel en tant qu’être social, distinct et adapté? À quel moment commençons-nous à nous attacher à notre enfant?


De toute évidence, l’attachement représente l’une des forces les plus puissantes de l’univers, celle qui permet de relier les divers éléments entre eux. En fait, nous sommes destinés à être ensemble, et il importe de se rappeler que l’attachement constitue un instinct de survie. À cet effet, nous nous engageons dans une relation au moment où nous pensons, planifions ou considérons des noms pour notre futur enfant. Dès que nous décidons de porter un enfant ou d’assumer la responsabilité d’en prendre soin, alors nous nous investissons dans sa prise en charge et dans la relation d’attachement. Si nous éprouvons le réflexe instinctif et émotionnel de tenir compte de ses besoins, de veiller sur lui, et d’anticiper son arrivée, alors nous sommes déjà orientés vers la connexion. De surcroît, nous exprimons le langage de l’amour quand nous nous disons que nous aimerons un enfant inconditionnellement et que nous sommes impatients à l’idée de partager notre vie avec lui.

Qu’est-ce que l’attachement?

La notion de l’attachement correspond à la science des relations humaines et elle cherche à comprendre notre désir de maintenir les autres à proximité de nous. Il s’agit également d’un instinct qui nous partageons avec d’autres espèces de mammifères, au même titre que les émotions d’une profonde sollicitude, et ce, afin que nous nous soutenions mutuellement. En réalité, lorsque nos enfants s’attachent à nous, ils sont amenés à compter sur nous pour obtenir de l’encadrement, de la sécurité, un sentiment d’appartenance et un lieu de repos, ainsi que pour partager nos valeurs, nous écouter, nous copier, nous imiter et bien plus encore. En effet, l’attachement suscite la dépendance et c’est cette dernière qui fait en sorte que la prise en charge soit possible.

Les relations solides se forment idéalement au cours des six premières années de l’existence. Par contre, il est important de noter qu’il n’est jamais trop tard pour consolider notre connexion avec un enfant. Il convient de saisir que l’attachement se dévoilera uniquement si les conditions sont propices, à savoir par le biais de la présence de donneur(s) de soins qui sont prévisibles, chaleureux, conséquents et accueillants. Il importe de spécifier qu’un grand nombre de parents qui sont séparés de leur enfant à la naissance ont tendance à craindre que leur relation ait été endommagée ou compromise d’une certaine façon. Cependant, la vérité est que l’attachement requiert du temps pour se développer et qu’il est à la fois robuste et résilient. En outre, les relations ne sont pas si fragiles que nous le croyons, et il faut se remémorer que cela prend plusieurs années pour instaurer une relation qui est solide avec un enfant.

Il existe six différentes façons par lesquelles un enfant développera son attachement envers les adultes et qui lui permettront de « s’enraciner » fermement. Il convient d’indiquer que plus les racines de l’attachement sont profondes et plus le potentiel de l’enfant à explorer, à apprendre, et à éventuellement se séparer des adultes sera considérable.

Au cours de la période de gestation et de la première année de sa vie, l'enfant s'attache grâce à ses sens, notamment par le toucher, le goût, l'odorat, l'ouïe et la vue. Au moment de la naissance, l'odorat de l'enfant lui permet d'être réconforté par sa mère biologique, notamment à la suite de piqûres au talon et de diverses manipulations. D’ailleurs, la majorité des mères biologiques sont également susceptibles de reconnaître l'odeur de leur enfant dans l'heure qui suit sa naissance. Néanmoins, bien que l'attachement sensoriel soit fascinant, il ne constitue que le début du parcours de l’être humain.


À compter de la deuxième année de vie, l’enfant s’attache par le biais de la similitude, c’est-à-dire qu’il copie et imite les personnes auxquelles il est attaché. C’est par cette voie qu’il apprend le langage et le maniérisme, et qu’il devient un ensemble des caractéristiques de ses personnes préférées. Quand l’enfant a atteint l’âge de trois ans, nous espérons le voir s’attacher au moyen de son sentiment d’appartenance et de loyauté, alors qu’il tentera de connaître et de respecter les désirs de même que les directives des individus qui s’occupent de lui. À l’âge de quatre ans, un enfant qui est correctement attaché cherchera à compter et à être significatif aux yeux des gens qu’il aime, soit en ayant recours à des déclarations telles que : « Regarde-moi! ». Il convient de noter que bien que l’approbation soit comparable à de l’oxygène pour un enfant de cet âge, il est essentiel de faire en sorte à ce qu’elle ne soit pas conditionnelle à la satisfaction des attentes de ses adultes. Lorsqu’il a atteint l’âge de cinq ans, un enfant peut être capable de se rattacher à nous de manière plus significative par le biais de la bienveillance et de l’amour. Entre autres, il peut annoncer l’amour qu’il nous porte et affirmer qu’il ne quittera jamais la maison. Si tout se déroule adéquatement, la dernière modalité d’attachement survient à l’âge de six ans, et ce, au moment où l’enfant est prêt à nous confier ses secrets. Conséquemment, qu’il s’agisse de sentiments de vulnérabilité ou de sa perception du monde environnant, les adultes responsables deviendront donc ses confidents.

Et si la relation avec vos parents n’était pas si « bonne » ?


Plusieurs adultes craignent que la relation qu’ils ont entretenue avec leurs parents leur dictera le type de parent qu’ils deviendront. Qu’il s’agisse de ressentiments ou de mauvais souvenirs, certains parents appréhendent de faire subir à leurs enfants les conséquences des situations auxquelles ils ont été confrontées durant leur enfance. Toutefois, ces constats ne tiennent pas compte du fait que la Nature a la capacité de nous préparer à la prise en charge d'un enfant, et ce, malgré les exemples qui nous ont été donnés préalablement. Certes, de merveilleux modèles peuvent s’avérer un atout quant à l’apprentissage de la parentalité, mais de mauvais modèles ne détermineront pas pour autant notre potentiel à assumer convenablement notre rôle de parent.


Dans cette optique, tandis que nous jouions au cours de notre enfance et que nous prenions soin des personnes et des objets, nous étions en train de nous préparer à ce qui nous attendait à titre de parent. Cet instinct d’assumer la responsabilité de quelqu’un ou de quelque chose ainsi que les émotions de bienveillance, ne s’enseignent pas puisqu’ils se trouvent en nous et ne demandent qu’à être exprimés. En fait, la faculté à prendre soin d'autrui demeure en suspens tant que nous ne sommes pas poussés par la sollicitude à assumer des responsabilités et à prendre l’initiative dans la vie d'un enfant. Or, ce sont précisément ces instincts et ces émotions qui surgissent et qui nous définissent en tant que parents. En faisant preuve d’une profonde bienveillance, nous pouvons grandir afin de devenir la réponse aux besoins de nos enfants, et ce, même si les nôtres n’ont pas été respectés à leur juste valeur. Par conséquent, cette magnifique danse relationnelle nous permet de continuer à évoluer et à gagner en maturité tout en aidant nos enfants à atteindre leur plein potentiel.

Quels sont les facteurs qui nuisent à l’attachement?


Les relations humaines ne sont pas faciles, et ce, compte tenu de notre tendance à être frustrés, à démontrer de la résistance et à nous emporter quand nous sommes contrariés. Par ailleurs, il n’existe pas de plus grand défi pour la maturité d’un parent que celui de l’immaturité qui caractérise son propre enfant. Or, nous devons donc nous efforcer de faire en sorte que notre invitation à la relation ne soit pas limitée à la performance ou qu’elle exige que l’enfant comble toujours nos attentes. Tel que le cite le Dr Gordon Neufeld : « Nous ne devons pas laisser nos enfants travailler pour obtenir notre amour, ils doivent plutôt sentir qu’ils peuvent se reposer en lui. »


Il convient de souligner que notre profonde sollicitude sera le facteur déterminant qui nous aidera à être en mesure de faire preuve de compromis, de considération et de patience pour aborder le travail inhérent à la prise en charge d’un autre individu. Plus précisément, cela signifie que nous devrons ressentir avec vulnérabilité les émotions relatives au rôle de parent et que nous devons leur accorder une place significative.

Certes, il est évident que les parents puissent également être confrontés à des douleurs liées à la croissance. En effet, elles sont de nature émotionnelle et elles nous permettent de tenir bon lors d’une nouvelle complication, à faire preuve de fermeté lorsqu’il s’agit de dire non, mais de bienveillance quand il s’agit de permettre à notre enfant d’exprimer sa colère, de même qu’à nous réjouir alors qu’il explore et qu’il nous dévoile l’environnement dans lequel il évolue.

Il est essentiel de mentionner que les facteurs qui entravent les relations proviennent des sentiments blessants qui ne peuvent être apaisés ainsi que des adultes qui se désistent de la responsabilité de leurs paroles ou de leurs actes. L’amour ne requiert aucunement que nous soyons parfaits, mais il implique que de la place soit accordée au sacrifice, à la clémence, au pardon et à la gratitude pour que nous soyons aptes à franchir cette étape avec nos enfants. Si la parentalité comportait un secret, celui-ci serait lié au fait qu’au moment où une relation est convenablement établie celle-ci deviendrait épanouissante et gratifiante tant pour l’enfant que pour le parent. Pour cette raison, le plus beau cadeau que nous puissions recevoir, à titre de parent, est l’invitation de nos enfants adultes à partager et à faire partie de leur vie lorsque cela n’est plus indispensable à leur survie.


Références

Doucleff, M. (2015). Fetal cells may protect Mom from disease long after the baby’s born. NPR, 25 octobre. https://www.npr.org/sections/health-shots/2015/10/26/449966350/fetal-cells-may-protect-mom-from-disease-long-after-the-babys-born


Tous droits réservés Deborah MacNamara © 2021


Dre Deborah MacNamara est la directrice du centre de consultation et de ressources familiales Kid’s Best Bet et membre du corps professoral de l’Institut Neufeld anglophone. Elle est également auteure de l’ouvrage « Jouer, grandir, s’épanouir » qui a été traduit dans 11 langues ainsi que du livre d’images « The Sorry Plane ».


Pour de plus amples renseignements, veuillez visiter le site Web suivant: https://macnamara.ca/


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