Pourquoi les larmes représentent-elles le secret pour favoriser la résilience des enfants ?
- Catherine Korah

- Feb 16, 2017
- 6 min read
Par Dre Deborah MacNamara (16 février 2017)
Traduit par Nathalie Malo

Nous discutons énormément de la nécessité, pour les parents, d'éviter de surprotéger leurs enfants et de leur permettre de connaître l'échec dans le contexte du quotidien. L'idée selon laquelle l'adversité enseigne la résilience aux jeunes enfants est significative, mais elle ne reflète qu'une part de la réalité. Pourquoi certains enfants s'épanouissent-ils malgré les difficultés qu'ils rencontrent, tandis que d'autres ont de la difficulté à survivre dans les mêmes conditions ou à faire mieux ? Comment expliquer que certaines personnes confrontées à l'adversité ne se relèvent pas ou ne sont pas en mesure de se ressaisir ? Si les difficultés constituent le catalyseur du changement, elles n'en sont toutefois pas le moteur. En effet, c'est notre système émotionnel qui détient les secrets de la transformation humaine, et c'est ce que nous devons nous considérer plus longuement quand nous sommes à la recherche de réponses.
En fait, ce n'est que lorsque nous réalisons ce qui ne fonctionne pas que l'adversité nous apprend quelque chose. Cependant, notre capacité à ressentir de la tristesse face à des circonstances inchangeables nous permet d'être transformés par cette expérience. Accepter ce qui est futile nous conduit à nous abandonner et nous change au cours de ce processus. Dans le cadre de notre quête qui vise à élever des enfants qui sont heureux et débrouillards, nous ne pouvons pas négliger le rôle essentiel que jouent la tristesse et les larmes.
La science des larmes
Toutes les larmes ne sont pas créées identiques. Certaines sont inoffensives, telles que celles que l'on verse en coupant des oignons. D'autres sont empreintes de colère et dégagent une telle intensité qu'il ne fait aucun doute que l’individu qui les verse est empreint de frustration. Il existe également des larmes douces et de tristesse, qui sont émises à la suite d’une souffrance ou d’une blessure, et qui incitent le système émotionnel à vouloir se libérer et se restaurer. À vrai dire, ce sont ces larmes de tristesse qui nous distinguent des autres mammifères et qui détiennent le secret de notre adaptation.
Afin que l'adaptation surviennent, nous devons cesser de poursuivre les futilités. Or, les enfants sont exposés à plusieurs futilités au cours de leur existence : les frères et les sœurs qui ne veulent pas s'en aller et les laisser tranquilles, les pertes, l'impossibilité de revenir en arrière, les limites et les restrictions, la fin de bonnes choses et l'incapacité à changer l'opinion d’autrui. Une fois qu'ils ont pris conscience de la futilité de ces poursuites, leur cerveau se reprogramme en conséquence. Les neurones qui s'activent ensemble se connectent entre eux : la futilité coupera les voies qui ne mènent pas au succès.
Quand un enfant accepte qu'une chose est futile, il peut se sentir triste et déçu, ou il peut verser des larmes. Ces sentiments et ces larmes ne sont pas nuisibles, mais ils indiquent que la guérison est en cours. Par ailleurs, ils constituent les meilleurs indicateurs de santé émotionnelle. À vrai dire, les enfants qui peuvent éprouver ces sentiments seront les plus aptes à réaliser leur potentiel en tant qu'êtres adaptatifs.
Les enfants qui ne sont pas en mesure de faire l'expérience de la tristesse sont souvent remplis d'agressivité et d'une frustration malsaine. En outre, les larmes refoulées peuvent susciter de l'anxiété, des troubles de l'attention, de l'opposition, de la désobéissance et même des comportements d'intimidation. Ce sont nos larmes qui nous rendent pleinement humains et compatissants. Or, les enfants qui perdent la capacité de pleurer ne requièrent pas de leçons, mais de la présence d'adultes qui sont capables de restaurer leur système émotionnel et de les rendre à nouveau vulnérables. Par conséquent, un échec est un cadeau uniquement si nous sommes aptes à avoir nos larmes.
Quel est le rôle des parents ?
Les pertes les plus importantes au cours de l’existence touchent davantage le cœur que la tête. C'est le fait de ressentir de la tristesse face à ce qui ne fonctionne pas qui conduit à la résilience, au rétablissement et à l'ingéniosité. Néanmoins, le défi réside dans le fait que ces sentiments peuvent être éprouvants et que les enfants nécessiteront du soutien pour les exprimer.
Dans une étude longitudinale nationale consacrée à la santé des adolescents, Michael Resnick et ses collègues ont découvert que le facteur de protection le plus significatif face à la détresse émotionnelle, parmi un échantillon de plus de 90 000 adolescents américains, était le fait d'entretenir une relation solide et bienveillante avec un adulte. La résilience n'est pas une faculté que nous devons apprendre à nos enfants, car elle est le résultat du fait d’entretenir des relations saines avec les adultes. Ce qui importe avant tout, c'est vers qui l'enfant se tourne lorsqu'il est contrarié, à qui il confie ses secrets et avec qui il partage ses larmes.
Si nous voulons aider nos enfants à avoir accès à leurs larmes, nous devons gagner leur cœur. Nous devons les inviter à exprimer ce qui ne fonctionne pas sans tenter de rectifier la situation, et à accorder de la place à leur déception, plutôt que de chercher à résoudre les problèmes et à élaborer des stratégies. De plus, nous devons les aider à nommer ce qui ne fonctionne pas et à renoncer à des poursuites futiles. De surcroît, nous devons les aider à se reposer dans la vulnérabilité de l'abandon et leur communiquer notre confiance dans le fait qu'il existe toujours une solution.
Cinq raisons pour lesquelles nous avons de la difficulté à laisser nos enfants pleurer ou se sentir tristes
Il existe de multiples raisons pour lesquelles les larmes des enfants ne sont pas bienvenues, et que les parents cherchent à les réprimer ou à les ignorer, entravant ainsi le potentiel de l’enfant en tant qu’être adaptatif.
Plus un parent estime que le bonheur d'un enfant est le signe de la qualité de ses compétences parentales, moins il sera enclin à accorder de la place à la tristesse. La croyance sous-jacente selon laquelle la tristesse est un problème, plutôt qu'une émotion normale, aura pour effet d'en empêcher son expression.
Certains parents peuvent trouver les larmes de leurs enfants trop éprouvantes ou frustrantes à écouter. Nous abordons tous la parentalité avec une relation différente à nos propres larmes. De fait, les enfants peuvent servir de catalyseur pour révéler où nous en sommes quant à cette relation. En tant que parents, il importe de réserver de la place aux émotions que nos enfants suscitent en nous.
Dans notre souci d'élever des enfants indépendants, nous pouvons être amenés à croire que les larmes sont un signe de faiblesse. Cependant, la solidité provient de la capacité à éprouver des émotions empreintes de vulnérabilité, qui permettent à un enfant de se ressaisir quand il est confronté à des épreuves ou à de l'adversité.
4. À une époque, les larmes des hommes étaient considérées comme un signe de vertu et de caractère, mais ce n'est plus le cas dans la majorité des cultures. Les notions de masculinité et les stéréotypes liés au genre ont rendu la manifestation des sentiments moins acceptable auprès des garçons. Par conséquent, ceux-ci sont moins susceptibles d'être encouragés ou invités à exprimer leurs émotions.
Il arrive parfois que l'on accorde trop d'importance à la logique et à la pensée positive, ce qui peut nuire à l'expression de la tristesse et de la déception. Lorsque l'on est confronté à l'adversité, on a tendance à privilégier la résolution de problèmes et la rectification des situations, plutôt que d’accorder une place à toutes les émotions qui accompagnent cette expérience.
Il est important d'exprimer ses émotions, de nommer ses sentiments et d'encourager les enfants à partager leurs histoires avec d’autres personnes. Si nous leur transmettons l'idée que les larmes ou les émotions sont indésirables et problématiques, nous risquons de les empêcher de développer une relation avec leur univers émotionnel.
Nous devons expliquer à nos enfants que de se faire blesser et d’avoir de la peine font partie de la vie, mais que la solution consiste à affronter ses peurs, à trouver ses larmes et à s'accrocher à quelqu'un qui nous retient. Il est impossible de protéger nos enfants de tout ce qui se passe dans le monde dans lequel ils évoluent. Notre rôle consiste à nous assurer que nous ne les envoyons pas dans ce monde les mains vides.
Lorsque nous aidons nos enfants à comprendre qu'ils peuvent survivre à ce qui ne fonctionne pas, cela peut leur ouvrir la porte à de nouvelles possibilités qui seraient susceptibles de fonctionner. L'adversité en soi n'enseigne rien, et c'est la transformation émotionnelle que nous expérimentons qui le fait. Nous devons être les capteurs de larmes que nos enfants nécessitent.
Tous droits réservés Deborah MacNamara, 2017 ©
Dre Deborah MacNamara, auteure du livre « Grandir, jouer, s’épanouir », est membre du corps professoral de l’Institut Neufeld, ainsi que directrice de Kid’s Best Bet, un centre de consultation et de ressources familial. Pour de plus amples informations, veuillez visiter :









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