Par Dre Deborah MacNamara (9 mai 2016)
Traduit par Nathalie Malo
Si vous êtes un parent, vous pouvez compter sur le fait que votre enfant fera preuve de résistance et d’opposition à un moment donné. Afin d’illustrer ce phénomène, nous prendrons les exemples suivants : « Sam est un garçon de dix ans qui roule ses yeux quand on lui demande de mettre la table et d’aider à servir le souper. Meghan est une fille de sept ans qui s’emporte verbalement si on lui demande de ranger sa chambre. Sarah est une fille de quatre ans qui a décidé qu’elle pouvait s’habiller seule et qu’elle n’avait pas besoin de personne pour l’aider, alors qu’elle vide son armoire qui est pleine de vêtements. Félix est un garçon de trois ans qui a dû se soumettre à un test auditif en raison de son manque d’écoute. Toutefois, ses parents ont été informés qu’il n’avait aucun trouble de l’audition et qu’il s’agissait plutôt de désobéissance ». Ainsi, le dénominateur commun propre à tous ces enfants constitue la résistance et l’opposition qu’ils témoignent à l’égard de leurs parents, lesquels se montrent souvent exaspérés suite à la manifestation de ces comportements.
Il convient d’indiquer que nous ne comprenons pas exactement la raison pour laquelle les enfants résistent en premier lieu. Cependant, une explication a été trouvée pour élucider cette résistance et elle est issue d’un instinct humain qui est connu sous le nom de « contrevolonté »; un concept qui a été initialement créé par Otto Rank, un élève de Freud. Il est pertinent de préciser que l’instinct de contrevolonté est naturellement enclenché au moment où un enfant se sent contraint ou contrôlé par d’autres individus. Entre autres, cet instinct explique pourquoi un enfant ralentit le rythme lorsque vous lui dites de se dépêcher, ou pourquoi il fait le contraire de ce que vous lui avez demandé. De plus, l’influence de cet instinct peut se vérifier quand vous répétez à l’enfant de ne pas employer un langage vulgaire, et qu’il le fait davantage.
Nous pourrions croire que la Nature veut lancer un mauvais sort aux parents en dotant les enfants d’un tel instinct. Et pourtant, il occupe une fonction qui est essentielle. À ce propos, les enfants sont supposés de suivre et d’obéir uniquement aux personnes auxquelles ils sont attachés. Autrement dit, ils sont censés de « se faire mener » seulement par les adultes qui en ont la responsabilité. Ce processus s’avère particulièrement bénéfique quand un inconnu tentent de leur dire ce qu'ils doivent faire. Néanmoins, une question demeure : Pourquoi les enfants résistent-ils systématiquement aux directives de leurs parents ?
Un jeune enfant se montre généralement résistant parce qu'il ne sent pas attaché à son parent au moment où il reçoit une consigne. Dans cette perspective, il est approprié de préciser que les jeunes enfants ne peuvent se consacrer pleinement qu’à une seule tâche à la fois, et que, s'ils sont concentrés sur autre chose, leurs parents ne pourront sans doute pas solliciter leurs instincts qui les poussent à les suivre. À vrai dire, si vous demandez à un jeune enfant d'effectuer une tâche sans faire appel à son instinct d'attachement, alors vous devez vous attendre à ce qu'il vous résiste. Or, la seule force qui surpasse l'instinct de contrevolonté se réfère à l'instinct d'attachement. Plus précisément, si un enfant est lié à un parent, l'instinct qui l’incite à le suivre est plus fort que son instinct de résistance.
Conséquemment, la solution pour gérer la résistance d'un jeune enfant est de mobiliser ses instincts d'attachement, et ce, en l’apprivoisant avant de lui adresser une demande. Pour ce faire, il suffit d'accompagner l'enfant, de se concentrer sur ce qu'il fait au moment présent et d’essayer d’apprivoiser son regard, son sourire, de même que son hochement de tête avant de lui transmettre des directives.
En ce qui concerne les enfants qui sont plus âgés, il nous arrive fréquemment d’oublier qu’ils nécessitent encore d’être apprivoisés régulièrement, et ce, préalablement à ce que nous leur communiquions nos demandes. En outre, il convient de citer que l’instinct de contrevolonté contribue au développement de l’identité distincte qui est en mesure de forger ses propres idées, préférences, désirs, souhaits et envies. Dans cet ordre d’idée, un ami m’a déjà confié : « Quand j’avais trois ans, ma mère et moi nous nous entendions à merveille, mais dès que je suis parvenu à avoir mon propre jugement, nous avons commencé à expérimenter des problèmes. » Il importe de souligner que les enfants ont des intentions différentes de ceux de leurs parents, et ceci est un processus qui est tout à fait normal et prévisible. Toutefois, ce qui importe davantage, est la façon dont nous préservons la dignité des enfants ainsi que la nôtre lors de désaccords. À vrai dire, plus nous insistons, et plus ils feront preuve de résistance. Et plus ils résisteront, et plus nous chercherons à pousser. Il convient de retenir que la contrevolonté, tant celle du parent que celle de l'enfant, peut s'intensifier jusqu'à ce qu'une éruption significative se produise, ou que l'enfant cède afin de maintenir la relation avec son parent. En réalité, il s'agit d'un sacrifice de la part de l'enfant, qui vise à préserver la relation parent/enfant, mais qui engendre de nouveaux enjeux. Or, si la contrevolonté et la résistance sont chroniques et qu'elles ne fluctuent pas, alors cela peut révéler une difficulté relationnelle plus systémique avec le parent, soit une problématique de domination ou d'orientation vers les pairs.
Gérer la résistance et l'opposition
Il existe un certain nombre de stratégies qui sont susceptibles d’aider à faire face à la résistance et à l'opposition des enfants, et ce, peu importe leur âge. Il convient de tenir compte du fait qu'il est pratiquement impossible de ne jamais susciter cet instinct dans le cadre de l’éducation d'un enfant. Cependant, l'objectif premier est de faire en sorte que votre relation ne soit pas affectée par cet instinct. Vous trouverez ci-dessous quelques moyens simples, mais efficaces pour aider les parents à surmonter ces batailles et à les contourner. De plus, vous pouvez vous référer au chapitre 9 du livre : « Jouer, grandir, s’épanouir » - Le rôle de l’attachement dans le développement de l’enfant, qui aborde plus en détail la question de la contrevolonté.
1. N’éduquez pas votre enfant à froid - apprivoisez ses instincts d'attachement avant de le diriger - Si la contrevolonté est destinée à protéger l'enfant contre les influences et les demandes extérieures, alors les parents doivent se trouver au cœur de la relation de manière à amener l'enfant à consentir et à suivre les consignes. Donc, un parent peut s’introduire dans l’espace de l’enfant et s'engager avec lui de façon amicale avant de formuler des directives. Au moment où il sent que l'enfant est réceptif, il peut lui dire ce qu'il aimerait qu'il accomplisse. Bien que cela puisse paraître simple, le fait d'apprivoiser un enfant constitue un moyen approprié pour construire une relation, mais également pour la préserver, et ce, en dépit de la contrevolonté. Par exemple, si vous voulez qu'un enfant vous aide à ranger ses jouets, apprivoisez-le avant de lui donner des instructions, et ce, pour obtenir son approbation sans avoir à vous engager dans une lutte de pouvoir.
2. Attendez-vous à rencontrer de la résistance et accordez-lui une place - Lorsque la contrevolonté a été déclenchée, il suffit de la reconnaître et d'aller de l'avant sans accroître la coercition. Vous pouvez admettre à l’enfant que personne n'aime se faire donner des ordres, et ensuite de lui rappeler ce qui doit être réalisé, par exemple : « Je sais que tu n'aimes pas que je te dise de faire ton lit, mais il faut quand même le faire ». Il peut également être judicieux d'éviter provisoirement une lutte, sans pour autant renoncer à prendre les devants, et ce, en disant à l’enfant que vous reparlerez de la situation ultérieurement (ce qui peut prendre quelques minutes dans le cas d'un jeune enfant).
Il importe de spécifier que plus un enfant est immature, et plus il sera susceptible de fonctionner selon l'instinct de contrevolonté. D'un point de vue développemental, il faut s'attendre à ce que cet instinct se manifeste pleinement auprès des enfants d'âge préscolaire et des adolescents. En effet, ces deux stades impliquent une période d’évolution en tant que personne distincte, de sorte que l'enfant s’oppose naturellement aux points de vue des autres en vue de faire de la place aux siens.
3. Instaurez des routines et des structures auxquelles l'enfant peut se rattacher - La mise en place d'une structure quotidienne est un outil précieux, étant donné que l'enfant se sent moins contraint et contrôlé à partir du moment où il s'attache à la routine. Entre autres, je me souviens d’avoir observé, l'enseignante de maternelle de ma fille, qui était capable de persuader vingt enfants à ranger leurs jouets, et ce, tout simplement en leur chantant quotidiennement une chanson simple. Quand vous n'avez pas le temps d’apprivoiser activement un enfant, il est conseillé d’établir une routine pour attirer son attention et l’orienter conformément à celle-ci. À vrai dire, les routines sont utiles lors des périodes de transition, qu’il s’agisse du départ pour l'école, du temps alloué aux devoirs et des étapes pour préparer l’enfant au coucher.
4. Attribuez-lui des responsabilités dans la mesure où cela est approprié – Il arrive parfois que la meilleure façon d'éviter les batailles et de satisfaire au besoin d'un enfant de « le faire par lui-même », est de le mettre en charge de la responsabilité des tâches qui sont compatibles à son développement. Or, il peut vouloir s'habiller seul, choisir les livres qu'il veut consulter ou les jouets avec lesquels il souhaite s’amuser, et ce, en guise d’expression personnelle. Cependant, il est essentiel de ne pas lui confier les décisions à propos de son alimentation, ou de tout ce qui se rapporte à une séparation ou à un attachement qui vous lie. En effet, ces décisions relèvent de la prise en charge, laquelle incombe uniquement aux adultes.
5. Réparez les dommages occasionnés par les conflits de contrevolonté - Si vous avez vécu des batailles de contrevolonté entre vous et votre enfant, une simple réparation et une validation de la situation peuvent s'avérer nécessaires. Une fois que les hostilités se sont apaisées, des excuses de la part du parent seront indispensables pour faire comprendre que la relation est demeurée intacte et qu’il continuera à prendre soin de lui.
Il est important de spécifier que plus un parent prend son rôle au sérieux, et plus il risque d'être contrarié de voir les manifestations de résistance et d'opposition de son enfant. Donc, si vous êtes en mesure, à titre de parents, de considérer que sa résistance découle de l'instinct de contrevolonté, alors cela vous aidera nettement à ne pas prendre ces manifestations personnellement. Or, l'instinct qui nous incite à résister et à s'opposer se trouve en chacun de nous, et il remplit une fonction essentielle, soit celle de veiller à ce que nous restions proches des personnes auxquelles nous sommes attachés. Par ailleurs, la contrevolonté ouvre également le chemin à un enfant pour qu’il se développe en tant que personne distincte. En conséquence, quand ce dernier aura atteint l’âge de 20 ans, vous serez définitivement reconnaissant des bienfaits qui auront émergés de cet instinct.
Tous droits réservés Deborah MacNamara, 2016©
Dre Deborah MacNamara est la directrice du centre de consultation et de ressources familiales Kid’s Best Bet et membre du corps professoral de l’Institut Neufeld anglophone. Elle est également auteure de l’ouvrage « Jouer, grandir, s’épanouir » qui a été traduit dans 11 langues ainsi que du livre d’images « The Sorry Plane ».
Pour de plus amples renseignements, veuillez visiter le site Web suivant: https://macnamara.ca/
Comments