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Les raisons pour lesquelles votre adolescentvous rappelle un enfant d’âge préscolaire

Updated: May 16, 2023

Écrit par Deborah MacNamara (6 avril 2016)

Traduit par Nathalie Malo


Il arrive parfois que les parents me déplorent avec humour qu’ils remarquent des similitudes entre le fait d’élever des adolescents et des enfants d’âge préscolaire. Quels sont les caractéristiques qui donnent l’impression qu’il existe des similarités entre ces groupes d’âge? Quelles sont les attentes des enfants à notre égard tandis que nous les guidons au cœur de ces périodes développementales? Effectivement, il se trouve trois dynamiques développementales essentielles qui sont inhérentes tant aux petits enfants qu’aux adolescents et ce, indépendamment de leurs différences en termes de leurs niveaux de maturité ainsi que de leurs compétences. Conséquemment, il importe de mentionner que si nous parvenons à mieux comprendre ce qui motive le comportement des enfants et des jeunes, alors nous serons aptes à les accompagner dans leur cheminement en vue de devenir des êtres distincts et indépendants.


1. L’alarme de séparation qui découle d’une indépendance grandissante

Les jeunes enfants et les adolescents peuvent être troublés et alarmés en raison de leur développement vers leur identité distincte et de l’intensification des séparations avec leurs donneurs de soins. Entre autres, les affirmations des enfants d’âge préscolaire telles que : « Je vais le faire moi-même », les poussent à être indépendants et à être en mesure de se débrouiller seuls. Si cette évolution est salutaire, elle sert aussi à créer une distance ou une séparation par rapport aux adultes qui en ont la charge et ce, puisque les enfants nécessitent moins leur présence. D’ailleurs, le remède à l’alarme de séparation pour le jeune enfant consiste à cultiver une relation d’attachement qui est plus profonde avec lui afin qu’il puisse se rattacher à nous lors de moments de séparations. En réalité, plus les racines de l’attachement sont solides, plus le jeune enfant peut atteindre son potentiel en s’immergeant dans le jeu et ses diverses sources d’intérêt, de même qu’en explorant le monde qui l’entoure (1).


Un développement équilibré auprès des adolescents peut également entraîner une augmentation de l’alarme de séparation qui résulte de leur croissance pour accéder à un fonctionnement distinct. En principe, la période de l’adolescence devrait concéder aux jeunes davantage d’autonomie, un besoin de prendre des décisions concernant leur avenir ainsi que de s’approprier des commandes de leur vie. Une adolescente m’a déjà confié ceci : « Je n’ai pas envie de grandir et de devenir une adulte. Je ressens toute cette responsabilité de prendre les bonnes décisions et de faire les choses correctement. Quand je regarde mes parents, ils ne sont pas très heureux et ils ne font que travailler.» La réflexion de cette jeune fille à propos de l’âge adulte était empreinte de tristesse et d’alarme de séparation alors qu’elle s’apprêtait à assumer une plus grande responsabilité pour son existence.


2. La résistance, l’opposition et l’instinct de contrevolonté

Les parents se plaignent fréquemment de la manière dont leurs jeunes enfants prennent soudainement leur temps lorsqu’ils leur demandent de se dépêcher ou qu’ils se montrent réticents face aux directives parentales telles que de se brosser les dents, de se vêtir, ou de mettre leur ceinture de sécurité dans la voiture. En d’autres termes, on dirait que les jeunes enfants ont des boutons opposés qui s’activent à leur guise, et qui incitent leurs parents à intervenir de façon à les obliger à obéir aux instructions qui ont été émises. En vérité, l’instinct qui se résume à défier les consignes parentales est habituellement le résultat de l’activation de l’instinct de contrevolonté, notamment la réaction spontanée qui est destinée à résister la coercition et le contrôle exercé par autrui (2). La raison pour laquelle les jeunes enfants sont intolérants à la coercition relève du fait que cet instinct de contrevolonté leur prépare le terrain pour élaborer leurs interprétations et leurs intentions respectives. En effet, la première étape pour se forger ses opinions ainsi que de devenir sa propre personne est de contrer la volonté d’autrui. Il importe de spécifier que la résistance manifestée par les jeunes enfants ne revêt aucunement un caractère personnel et ce, étant donné qu’elle est généralement liée à leur développement. Par ailleurs, ils ne dépasseront jamais cet instinct de résistance. Cependant, ils vont plutôt outrepasser le besoin de l’exploiter dès qu’un véritable sentiment d’identité du soi sera établi. En un mot, au moment où un jeune enfant commence à incorporer le « Je » dans son langage, cela signifie que l’instinct de contrevolonté est sur le point d’ouvrir la voie à sa croissance en tant qu’individu à part entière (3).


On observe également une saine recrudescence de la résistance et de l’opposition qui proviennent de l’instinct de contrevolonté au cours de la période de l’adolescence. Conformément à un développement optimal, l’instinct qui consiste à contrecarrer les opinions et les idées des autres personnes est destiné à préparer le terrain pour que l’adolescent soit en mesure de revendiquer ses propres conceptions et ses préférences au milieu de tant de gens et de points de vue divergents. Il arrive souvent que les adolescents traversent une phase où ils se montrent réfractaires aux priorités des autres et qu’ils se rebellent contre eux. Dans cet ordre d’idées, il n’est donc pas rare qu’un adolescent se dresse contre les directives énoncées par ses adultes. Conséquemment, il serait préférable, si cela est possible, de tenter de transmettre les valeurs parentales avant que l’enfant ait atteint l’âge de 13 ans et ce, dans le but d’éviter des conflits ardus par la suite. À cet égard, nous pouvons reprendre les propos de Mark Twain: « Quand j’étais un garçon de 14 ans, mon père était tellement ignorant que je pouvais difficilement supporter d’avoir le vieil homme dans les parages. Pourtant, lorsque j’ai eu 21 ans, j’ai été surpris de voir à quel point il avait changé et appris en sept années. » De plus, il peut exister des raisons additionnelles pour lesquelles un adolescent est résistant et empreint d’opposition, et il convient de préciser qu’elles ne sont pas toutes attribuables à un développement sain et équilibré. Par exemple, il peut s’agir de l’orientation vers les pairs où ses relations d’attachement qui s’avèrent être les plus proches sont ses amis plutôt que ses parents. Or, la résistance saine sous-jacente qui est rencontrée tant auprès des tout-petits que des adolescents peut se résumer en ces termes de Louise Kaplan : « Le jeune enfant doit dire non pour découvrir qui elle est. Par contre, l’adolescente dit non pour affirmer ce qu’elle n’est pas ».


3. La nécessité de faire de la place pour le jeu ou la solitude créative

Les enfants d’âge préscolaire requièrent du temps pour jouer parce que le jeu favorise leur développement en tant qu’êtres distincts en suscitant l’expression de leurs émotions, en permettant à leur créativité de se manifester de même qu’en les aidant à découvrir leurs intérêts particuliers. Le jeu devrait représenter un espace qui est dénué de conséquences qui sont associées à la « réalité quotidienne » et ce, afin que l’enfant soit apte à expérimenter librement sans être contraint par les attentes d’autrui. De surcroît, le jeu comporte un acte d’autocréation et les adultes doivent veiller à instaurer les libertés nécessaires qui permettront à l’enfant de jouer, telles que l’absence de faim, de temps d’écran, de pairs, et de surabondance de consignes et d’activités structurées, de même que de faire en sorte que ses besoins d’attachement soient rencontrés. Il convient de mettre l’emphase sur le fait que le jeu est censé être un processus d’autocréation qui est spontané, expressif et exploratoire pour l’enfant et qu’il ne peut être enseigné.


Les adolescents éprouvent également le nécessité de jouer, toutefois sous un aspect qui diffère de celui des enfants d’âge préscolaire et ce, compte tenu du fait que leurs niveaux de maturité sont dissemblables. La solitude créative entre en scène au moment où un adolescent est en mesure d’occuper ses temps libres en se consacrant à ses activités personnelles respectives telles que la musique, le dessin, la course, l’écriture ou toute autre forme d’expression et d’exploration. À vrai dire, la solitude créative peut sembler différente pour chaque enfant. Néanmoins, le but recherché vise à aider les enfants à se découvrir par le biais de réflexions internes et externes qu’ils attribuent au monde. À titre d’exemple, je me souviens d’avoir vu ma fille de 11 ans tendre ses mains sous la pluie suite à une canicule et me dire ceci : « Maman, j’avais oublié à quoi ressemblait la pluie. Ça fait tellement du bien! ». En outre, il importe de mentionner que les adolescents nécessitent aussi le temps et l’espace qui sont dépourvus des attentes et des exigences des autres personnes. Par ailleurs, ils ont besoin des libertés similaires à celles des jeunes enfants de manière à promouvoir la sollicitude créative, à savoir l’absence de temps d’écran, de pairs et d’une trop grande quantité de consignes et d’activités structurées. Lorsque la principale préoccupation de l’adolescent se réfère avant tout à ce que les autres individus font, alors il lui reste peu de temps et d’espace pour se pencher sur qui il est vraiment en lien avec le monde; ce qui constitue pourtant la caractéristique fondamentale de la maturité.


Ce dont les jeunes enfants et les adolescents

requièrent de leurs donneurs de soins


En tant qu’adultes, nous pouvons nous réjouir de l’évolution de notre enfant en un être distinct. Cependant, il importe de souligner que cela implique qu’il connaîtra une certaine tristesse et de l’inquiétude tandis que son identité s’oriente vers une plus grande autonomie et qu’il s’éloigne de la sécurité afférente à une prise en charge adéquate. En vérité, il existe un certain nombre de mesures que nous pouvons utiliser pour faire en sorte que cette transition lui soit plus agréable. En dépit des différences d’âge, un fait s’avère véridique pour tous les enfants, soit que plus leurs racines relationnelles avec des adultes bienveillants sont solides et profondes, et plus leur capacité à se développer en des êtres qui sont socialement et émotionnellement responsables sera considérable.


1. Apprivoiser leurs instincts d’attachement – Il importe de noter que les tout-petits et les adolescents ressentent le besoin d’être en relation avec des adultes et ce, bien que cela se traduit différemment selon l’âge de chacun. En réalité, nos enfants souhaitent percevoir que nous voulons être proches d’eux, que nous sommes chaleureux et empathiques quand nous les écoutons, que nous leur accordons toute notre attention et que nous leur montrons des signes concrets que nous tenons à eux. Conséquemment, nous devons nous frayer un chemin à leurs côtés et continuer à entretenir la relation que nous avons établie avec eux au moyen de passe-temps partagés ou d’activités telles que de souper ou de jouer ensemble. D’autre part, il n’y a pas une façon qui est appropriée pour transmettre à un enfant que nous tenons à lui. Il s’agit préférablement de laisser la relation que nous maintenons avec lui se développer librement dans le but que nous demeurions toujours le refuge dont il a de besoin et que nous nous trouvions en position de l’aider à faire face aux sentiments qui surgissent consécutivement à une croissance saine.


2. L’implantation de structures et de routines pour contrer la résistance et l’opposition - L’instinct de contrevolonté pour résister et contrecarrer les directives est particulièrement prononcé tant chez les jeunes enfants que les adolescents et ce, puisqu’ils se trouvent tous deux au beau milieu de périodes cruciales quant au développement de leur identité. Par conséquent, le fait de favoriser l’emploi de moyens qui sont davantage implicites pour les diriger est moins susceptible de déclencher de fortes réactions de résistance et d’opposition de la part des enfants concernés. Entre autres, au lieu de dire à un enfant ceci : « Tu dois te brosser les dents », un parent pourrait plutôt lui demander : « Quelle histoire aimerais-tu lire lorsque tu auras terminé de te préparer pour aller au lit? ». En procédant de la sorte, cela implique automatiquement que le nettoyage des dents fait partie intégrante d’une routine qui a été préétablie. Quand nous sommes en présence d’adolescents, il s’avère plus judicieux d’introduire une structure régulière et des routines qui sont en lien avec les devoirs et les corvées que de leur répéter à tous les soirs d’accomplir les tâches qui leur ont été assignées. Il convient d’ajouter que la structure et les routines sont des formes de contrôle qui ont un caractère plus subtil sur lesquelles les parents peuvent convenir préalablement, et qui sont moins aptes à engendrer de vives réactions de contrevolonté au moment où elles se transforment en habitudes.


3. Réserver de l’espace et du temps pour jouer – Un des rôles les plus significatifs qui s’adresse aux parents consiste à créer un environnement sain dans lequel l’enfant pourra grandir et s’épanouir. Pour les parents, cela signifie d’atténuer les attentes de la société, les pressions culturelles de même que les désirs de leur enfant alors qu’ils consolident le temps et l’espace nécessaires pour que ce dernier soit en mesure de jouer ou de se livrer à des projets créatifs. Il est primordial de contrôler le temps d’écran dont dispose un enfant ou un adolescent, le nombre de sorties ou de soirées pyjama avec des amis auxquelles il participe, et de s’assurer qu’il détient suffisamment de temps pour s’ennuyer ainsi que pour jouer et s’impliquer dans des projets créatifs. Bien que nous ne puissions pas obliger nos enfants à jouer, nous pouvons essayer de les guider dans cette direction en vérifiant que rien n’entre en conflit et en leur procurant le matériel et les ressources auxquels ils sont naturellement attirés. Qu’il s’agisse de sortir des blocs Lego pour les aider à construire leurs structures, de leur fournir du papier pour qu’ils puissent le couvrir d’images ou d’histoires, ou de les amener à faire une escapade dans la nature afin de les éloigner des stimulations concurrentielles, il est nécessaire que nous dirigions nos enfants vers des lieux où ils peuvent s’exprimer librement et réfléchir à ce qu’ils sont.


Ce qui est particulièrement remarquable chez les tout-petits et les adolescents est la façon dont ils sont poussés dans leur développement à évoluer en tant qu’êtres distincts. Pour le jeune enfant, un sens de soi vient tout juste de se manifester, tandis que l’adolescent devrait être prêt à assumer un rôle déterminant dans le dévoilement de son soi distinct. Malgré l’écart d’âge qui existe entre ces deux groupes, les objectifs en matière de parentalité demeurent identiques. Entre autres, il s’agit de les soutenir et de faire preuve de patience quant à leur immaturité, de leur offrir de la chaleur et de l’affection, et de se montrer généreux dans notre prise en charge. Bien que leur corps et leur état psychologique soient de plus en plus solides, il ne faut pas oublier que ces enfants nécessitent encore notre présence et ce dont ils ont toujours eu besoin de notre part. Alors que je regarde mes deux enfants franchir le seuil de l’adolescence, je me sens exactement telle que Jodi Picoult a écrit : « J’aurais tout donné pour qu’elle reste petite. Ils nous devancent tellement plus vite que nous les dépassons ».


(1) Gordon Neufeld, La classe intensive Neufeld I (Institut Neufeld, Vancouver, CB, 2013), https://www.institutneufeld.org/product-page/niveau-1-1/.

(2) E.J. Lieberman, Acts of Will: The Life and Work of Otto Rank (Amherst: University of Massachusetts Press, 1993); E.J. Lieberman, “Rankian will,” American Journal of Psychoanalysis 72 (2012).

(3) D.W. Winnicott and Claire Winnicott, Talking to Parents (Reading, MA: Addison-Wesley, 1993).


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