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Comportement et autorégulation

Updated: May 19, 2023

Comportements problématiques – Pourquoi faut-il ne pas s’attendre à ce que les enfants s’autorégulent prématurément?


Par Dre Mona Delahooke (11 mars 2019)

Traduit par Nathalie Malo

Nathan est un garçon de cinq ans qui se réjouit d’une sortie familiale au zoo. Cependant, sa mère craint qu’il ne soit pas en mesure de contrôler son comportement. Elle lui a donc expliquer son plan qu’elle a soigneusement conçu. Si Nathan se comportait convenablement, elle lui remettrait dix bonbons en gélatine suite à leur visite. En revanche, à chaque moment où il se comporterait inadéquatement, il en perdrait un.


Or, Nathan n’avait plus que cinq bonbons à sa disposition une demi-heure plus tard. De plus, il a lancé des frites à son frère à l’heure du dîner et sa mère lui a rappelé qu’il ne lui en restait dorénavant que trois. Conséquemment, Nathan s’est fâché et il s’est tellement penché par en arrière sur sa chaise que celle-ci s’est renversée, et ce, au plus grand mécontentement de sa mère.

Toutefois, le plan de cette dernière était voué à l'échec, et ce, dès le départ. Pour quelle raison ? Parce que celui-ci était fondé sur une fausse présomption, soit celle que Nathan était apte à contrôler son comportement. Étant donné l'importance qui est accordée au concept de « l'autorégulation » parmi les professionnels, les éducateurs et les parents, il arrive trop fréquemment que nous négligions un point essentiel, à savoir que nous ne pouvons pas vraiment enseigner à un enfant à s'autoréguler. À vrai dire, l'autorégulation est un processus de développement que nous pouvons cultiver et favoriser d'une certaine façon, notamment par le biais de l'expérience de la corégulation émotionnelle menée en collaboration avec des adultes qui sont bienveillants et attentifs.


Par conséquent, de quelle manière les enfants développent-ils la capacité d'autorégulation? Au fil du temps, alors que l'enfant fait l'expérience de la satisfaction de ses besoins émotionnels et physiques, il établit donc une solide connexion entre son cerveau et son corps, ce qui lui procure la faculté d'exercer un contrôle descendant « top-down » sur ses comportements et ses émotions. Il convient de noter que les enfants commencent à acquérir cette aptitude à l'âge de trois ou quatre ans et qu'ils continuent à la parfaire tout au long de leur enfance.


Cependant, la capacité d’autorégulation nécessite le développement du cerveau qui permet aux enfants de la concrétiser. Si nous espérons des enfants qu’ils maîtrisent leurs comportements alors que leur connexion corps-cerveau leur fait défaut, nous leur demandons l’impossible. De ce fait, nous attendons beaucoup de plusieurs enfants qui n’ont pas encore atteint le développement neurologique requis afin de s’autoréguler.

Il arrive fréquemment que nous fondions nos attentes à l’égard des enfants sur une supposition qui est fausse, à savoir qu’ils disposent d’un contrôle descendant « top-down » qui leur permet de considérer leur corps et leur raison de manière à gérer leurs comportements. Mais en vérité, un grand nombre d’enfants qui exhibent des troubles de comportement n’ont pas encore développé cette aptitude.

En effet, les parents ont tendance à croire que si un enfant fait parfois preuve de contrôle, alors il doit forcément toujours avoir la capacité de le faire. Néanmoins, cette croyance erronée révèle un écart entre la réalité et les attentes, c’est-à-dire une disparité entre les présomptions des adultes et les compétences véritables de l’enfant.

Si les enfants sont dépourvus de contrôle descendant « top-down », nous devons donc commencer avec la corégulation émotionnelle, et ce, principalement lorsque des adultes bienveillants et attentifs détectent et prennent soin des besoins physiques et affectifs de l’enfant. Il importe de mentionner que nous effectuons ce processus par le biais des relations. Dans ma surspécialité, la santé mentale infantile, nous appelons cette pratique comme suit : « l’usage thérapeutique du soi ».


En d’autres termes, nous aidons à développer la faculté ascendante «bottom-up» du cerveau de l’enfant. Si un enfant éprouve des difficultés persistantes à maîtriser ses émotions ou ses comportements, cela signifie que ses aptitudes descendantes « top-down » sont déficientes. Conséquemment, il requiert la présence d’adultes qui sont aimants, à l’écoute et exempts de jugement, et qui sont en mesure de « voir » sa souffrance. En fait, ce sont ces relations qui maintiennent la capacité de l’enfant à acquérir un autocontrôle émotionnel et comportemental.

Il convient de souligner qu’un nombre excessif de programmes éducatifs et de services sociaux omettent de tenir compte de l’importance cruciale des relations, et ce, en se concentrant plutôt sur la gestion comportementale. Pour ce motif, je consacre une grande partie de mon temps à enseigner aux parents et aux enseignants les notions propres au développement social et émotionnel. Or, une connaissance de base des neurosciences et du développement socio-émotionnel peut nous aider à mieux comprendre comment éviter de demander aux enfants une multitude de choses, et ce, d’une façon prématurée. Par ailleurs, cela nous permet d’éviter également de susciter par inadvertance un sentiment de honte ou de gêne auprès des enfants qui ne parviennent aucunement à saisir la raison pour laquelle ils ne sont pas capables de se comporter adéquatement ou de satisfaire aux attentes des adultes, et ce, même s’ils le désirent vraiment. Il importe de préciser que nous devons être particulièrement conscients de ce besoin au sein de nos populations d’enfants qui sont exposés aux ENE (expériences négatives durant l’enfance) ainsi qu’au stress toxique. À vrai dire, les paradigmes qui se fondent sur les systèmes de récompenses et de punitions sont largement employés actuellement au sein de ces populations, et ils ne sont guère recommandés.

Toutefois, lorsque nous demandons trop aux enfants, et ce, trop rapidement, nous pouvons provoquer, par mégarde, de l’autocritique et de la honte chez ces derniers. Madame Kristin Neff, chercheuse principale à l’échelle mondiale en matière d’auto-compassion, propose une solution à cette problématique, notamment que nous pouvons montrer aux enfants comment avoir de la compassion pour soi ainsi que d’accueillir leur propre vulnérabilité. Autrement dit, au moment où les comportements deviennent problématiques, nous pouvons alors aider les enfants à faire preuve d’auto-compassion de même qu’à se tourner vers les adultes pour obtenir de l’aide.

En outre, lorsque nous sommes en présence des enfants et que nous sommes également conscients de nos propres émotions, nous devenons aptes à préserver le facteur qui s’avère le plus précieux dans le cadre du processus de développement de l’autorégulation de l’enfant, soit la connexion humaine.





Je vous parle davantage de la façon dont nous pouvons soutenir les enfants en ayant des attentes raisonnables dans le livre : « Beyond Behaviors ».

Tous droits réservés Mona Delahooke, 2019©

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