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Les trois besoins irréductibles que tous les enfants nécessitent pour s’épanouir

Updated: May 16, 2023

Écrit par Deborah MacNamara (31 décembre 2017)

Traduit par Nathalie Malo


Raffi Cavoukian est un chanteur, compositeur et défenseur des droits de l’enfance. Il a écrit une chanson intitulée : « All I really need » (Tout ce dont j’ai réellement de besoin), qui illustre magnifiquement, et selon la perspective d’un enfant, ses besoins fondamentaux. Raffi chante : « Tout ce dont j’ai vraiment besoin, ce sont une chanson dans mon cœur, de la nourriture dans mon ventre et de l’amour dans ma famille. » À toutes les fois que j’écoute cette chanson, j’entends un message implicite qui est destiné aux adultes relativement à ce que nos enfants requièrent véritablement pour qu’ils soient en mesure de s’épanouir.


De plus, les sciences développementales précisent clairement la nature des trois besoins irréductibles des enfants, c’est-à-dire les besoins de jouer, de larmes et d’établir des relations significatives. Ces derniers constituent les ingrédients essentiels qui sont susceptibles d’aider les enfants à devenir des individus qui sont socialement et émotionnellement responsables alors qu’ils sont capables de déterminer leurs propres objectifs, de s’adapter à leur environnement tout en étant résilients face à l’adversité, et de faire preuve d’empathie à l’égard d’autrui. À vrai dire, la maturité devrait ressembler aux caractéristiques qui ont été décrites préalablement. Néanmoins, une telle croissance ne peut être assurée en l’absence de conditions adéquates.


Nous connaissons tous des personnes qui ressemblent à des adultes, mais qui se comportent comme un enfant d’âge préscolaire. Effectivement, il existe une différence catégorique entre le fait d’être jeune de cœur et être immature. Un individu immature a tendance à blâmer les autres pour ses problèmes, il éprouve des difficultés à obtenir ce qu’il veut, il exige et dicte aux autres la manière dont ils doivent le prendre en charge, et il aborde un comportement impulsif. Comment est-il possible d’expliquer ce manque flagrant de maturité? Lorsque l’environnement dans lequel un enfant évolue comporte des lacunes en termes de satisfaction de ses besoins irréductibles, il en résulte des répercussions sur son développement ainsi qu’une entrave à sa maturité.


1. Le besoin irréductible pour le jeu véritable

Le jeu représente le lieu de naissance de l’identité distincte, et c’est par le biais de celui-ci que l’enfant peut mettre ses mains sur le volant de son existence et expérimenter sous la direction de son corps, de son cœur et de sa tête. Il convient de souligner que les enfants aspirent à avoir accès à un espace qui soit exempt de conséquences, et qui leur permettent à la fois de pratiquer et d’explorer.


Les êtres humains naissent avec un désir inné de donner un sens aux choses et aux événements, de poursuivre des objectifs et de découvrir leur vraie nature. L’instinct qui pousse l’enfant à émerger en tant que personne à part entière ne peut être révélé que par l’entremise du jeu, et subséquemment, il n’est pas indiqué de forcer un enfant à jouer ou de prendre l’initiative de le faire à sa place. Dans la même veine, nous n’avons qu’à penser à ce que tout enfant âgé de trois ans affirmerait quand il est sur le point de comprendre quelque chose : « Je vais le faire moi-même! »

Nous n’avons pas à apprendre à un enfant à jouer puisque le jeu est inné. En fait, notre rôle consiste à créer une aire de jeux qui soit contenue, à l’abri des blessures émotionnelles et qui autorise la liberté de mouvement et d’expression. En principe, les terrains de jeux sont généralement pourvus de barrières et de clôtures qui laissent les enfants libres d’inspecter l’espace existant.


Il importe de mentionner que certains enfants sont attirés par le mouvement et qu’ils utilisent leur corps pour sauter, grimper, danser ou courir, alors que d’autres préfèrent explorer et examiner, ou encore emprunter des objets dans leur environnement et concevoir des nouveautés. Chaque enfant exhibe un penchant particulier pour exprimer son monde intérieur, et il nous incombe d’en faciliter l’expression en aménageant des lieux où il sera en mesure de le déployer.


Qu’est-ce qui porte atteinte au jeu des enfants? La promotion de la scolarisation précoce constitue l’un des principaux obstacles au jeu et ce, principalement lorsqu’elle s’effectue durant les premières années de vie d’un enfant. Si l’on en croit des décennies de recherches dans le domaine des sciences du développement, la tendance afférente à l’instruction et à la scolarisation prématurées des enfants s’avère être alarmante et dénuée de tout fondement. Par exemple, dans ma communauté, il est possible de voir des enfants qui se présentent à la maternelle et qui sont incapables de jouer. C’est-à-dire qu’ils regardent leur enseignant et qu’ils affirment qu’ils ne savent pas comment procéder au moment où on leur demande de s’immiscer dans le jeu. En examinant cette situation de plus près, nous pouvons remarquer que les années préscolaires de ces enfants ont été empreintes d’enseignement, de scolarisation et d’activités structurées. Alors que les parents n’ont pas déclenché la sonnette d’alarme à propos de la perte du jeu (pourtant, l’enseignant l’a fait!), un sentiment de fierté régnait parce qu’un enfant pouvait lire ou calculer à un très jeune âge. Selon les propos véhiculés par la science, la précocité n’est pas forcément avantageuse. Certes, nous pouvons former et faire travailler les enfants, de même que les faire performer tandis qu’ils sont en bas âge. Cependant, quelles seront les répercussions sur leur développement? Que se passe-t-il quand les enfants sont obligés de travailler plutôt que de jouer?


Le jeu offre à l’enfant un espace sécuritaire pour l’expression de ses émotions et il est indispensable à son bien-être ainsi qu’à sa maturité. En effet, les enfants expérimentent toutes sortes d’émotions lorsqu’ils se trouvent dans le contexte du jeu, en interprétant leurs sentiments et ce, dans la sécurité de la simulation et de l’imaginaire. Au moment où le jeu est « fictif », les conséquences associées à l’expression émotionnelle sont minimisées et donc, elles accordent aux enfants la liberté de libérer ce qui les affecte. Il est pertinent de noter que les recherches ont établi une corrélation entre la perte du jeu et l’augmentation des pourcentages des troubles de l’attention, de l’anxiété, de l’humeur et de l’agressivité auprès des enfants. Par conséquent, le jeu a tendance à préserver les enfants sur le plan émotionnel.


Toutefois, un problème réside puisque nous n’accordons pas la même valeur au jeu que nous attribuons au travail et aux résultats. Or, le jeu est perçu comme une activité que les enfants exercent pendant leur temps libre. Malheureusement, le temps libre est également en voie de disparition. Par ailleurs, le temps dont disposent les enfants est progressivement encombré par les écrans, les activités structurées et les consignes. Bien que les appareils numériques soient devenus des cibles faciles pour dénoncer la perte du jeu, des recherches suggèrent que l’une des plus grandes pertes de temps qui a été encourue par les enfants serait liée à l’augmentation du nombre d’heures consacrées au magasinage, soit une hausse de 168% en 15 ans.


Il convient de préciser que nos enfants sont incapables de grandir adéquatement sans l’apport du jeu. Effectivement, il n’existe aucun raccourci, substitut ou médicament qui soit susceptible de remplacer les bienfaits du jeu. Il est donc nécessaire que les parents deviennent les gardiens des activités et des ressources qui minent le temps et l’espace qui sont alloués au jeu. Tel que le dit Raffi, les enfants ont besoin d’avoir une chanson dans leur cœur et ce, étant donné que cette chanson correspond au son du jeu qui les habite et qui cherche à s’exprimer dans leur environnement.

2. Le besoin irréductible des larmes

Les êtres humains naissent avec la faculté inhérente d’être adaptables et résilients. Ainsi, nous devrions être capables de progresser en dépit de l’adversité, de tolérer de ne pas obtenir toujours ce que nous désirons, de surmonter des manques et des pertes, et d’être transformés par ce processus. Ce potentiel existe en chacun de nous et il ne se réalisera que lorsque nous entretiendrons une relation avec les larmes et la tristesse.


L’aptitude à se sentir triste représente l’un des meilleurs indices de la santé émotionnelle d’un enfant. Si des sentiments de vulnérabilité peuvent s’exprimer, alors cela signifie que l’environnement de l’enfant est propice à la sauvegarde et à la protection de son cœur. Les émotions favorisent la maturité d’un enfant et ce particulièrement, quand il s’intéresse aux autres et à lui-même, qu’il est soucieux d’apprendre, qu’il est attentif à son comportement et à ses actions, et qu’il se sent suffisamment concernés pour affronter ses peurs.


Les larmes symbolisent la perte ou la séparation d’une chose que nous désirons ardemment, ou le fait d’être confronté à des circonstances que nous ne pouvons pas modifier. Au moment où le cerveau enregistre que quelque chose est futile (cela ne peut avoir lieu ou cela ne peut changer), on assiste à une transformation émotionnelle et, à ce titre, la tristesse en constitue le résultat final. Conséquemment, nous sommes changés par cette transformation émotionnelle dans ce lieu où nous devons laisser tomber nos plans et ressentir le bouleversement qui en découle. Quand nous réalisons, en toute vulnérabilité, que nous ne pouvons pas toujours obtenir ce que nous voulons, il nous paraîtra évident que nous sommes également en mesure de gérer l’adversité. À vrai dire, les larmes ne sont pas un phénomène qui doit être redouté, mais une ressource qui doit être incluse dans le processus d’apprentissage.


Qu’est ce qui empêche les enfants d’exprimer leur tristesse ou de pleurer? Dans certains cas, il arrive que des adultes soient trop impatients, occupés ou frustrés, et ce, à un point tel, qu’il ne reste guère de patience et de place pour les besoins émotionnels de l’enfant. Dans d’autres cas, les messages que nous adressons aux enfants indiquent que nous accordons davantage d’importance au bonheur et aux « sentiments positifs », ce qui laisse sous-entendre que la tristesse et la colère ne sont pas bienvenues ou justifiées. Entre autres, si nous nous attardons à des expressions telles que : « Arrête de froncer tes sourcils comme ça! » ou « As-tu rempli le seau émotionnel de quelqu’un aujourd’hui? », nous constatons que ces dernières peuvent malheureusement mettre l’emphase sur le fait de vouloir faire plaisir à autrui plutôt que sur l’intégrité émotionnelle. Dans cette optique, nous ne pouvons demander à nos enfants d’être honnêtes, de dire ouvertement ce qu’ils pensent et de nous dévoiler leurs secrets, tandis que nous leur proposons simultanément de changer ou de nier ce qu’ils éprouvent, sous prétexte que cela ne sert personne.


De nombreux parents m’ont confié que l’éducation qu’ils ont reçue, au cours de leur enfance, a fait en sorte qu’ils ne pouvaient pas pleurer ou exprimer leur tristesse lorsque les choses ne fonctionnaient pas. De plus, en raison de ce manque de soutien, ils ont souvent eu l’impression de ne pas être aptes à subvenir aux besoins de leurs enfants. À cet égard, l’aptitude à aider autrui quand il se sent triste ou bouleversé ne doit pas être apprise, car il s’agit plutôt d’une compétence qui est déjà acquise et à laquelle nous répondons par le biais du confort, du contact et de la proximité. Par conséquent, nous devons simplement nous manifester et être présents au moment où nos enfants éprouvent le besoin de sentir avec vulnérabilité et d’exprimer ce qu’ils vivent.


Vous ne devez pas nécessairement être en accord avec les pensées ou les actions d’un enfant pour lui permettre de trouver ses larmes. En effet, nous pouvons accompagner ses émotions et faire de la place pour l’expression de celles-ci sans pour autant convenir qu’un comportement immature est acceptable. En outre, nous pouvons admettre que quelque chose lui occasionne de la frustration et accueillir les larmes qui sont requises pour évacuer cette frustration accumulée. Bien que dire non fait partie intégrante du rôle d’un adulte dans l’existence d’un enfant, le fait d’aider un enfant à trouver ses larmes lorsqu’il ne peut pas changer les « non » existants l’est tout autant.


Si un enfant ne peut plus mentionner qu’il est triste, bouleversé, ou qu’il a perdu la capacité de pleurer, alors ce sont les adultes qui se trouvent dans sa vie qui devront lui indiquer le chemin du retour vers un endroit où il peut sentir avec vulnérabilité. Il peut exister plusieurs raisons pour lesquelles des sentiments de compassion s’éclipsent, à savoir notamment l’inhibition par le cerveau dans le but de préserver le bien-être émotionnel. Par exemple, si le fait de se soucier de quelque chose blesse à outrance, le cerveau se contentera simplement d’inhiber l’expérience des sentiments bienveillants. Il arrive parfois que le cœur de l’enfant s’endurcisse, cependant les adultes disposent de plusieurs moyens pour qu’il s’attendrisse.


3. Le besoin irréductible d’entrer en relation

Les enfants se trouvent dans l’incapacité de s’épanouir s’ils ne sont pas en relation avec autrui. Ils nécessitent d’entretenir des relations avec des adultes qui les invitent généreusement à être en leur présence, qui font preuve d’une capacité inébranlable de s’accrocher à eux en dépit de leur attitude et de leurs exploits et ce, tout en les amenant à se comporter d’une manière qui est courtoise, mature et émotionnellement responsable envers les autres.


Tandis que je me trouvais à une partie de hockey l’autre soir, j’ai aperçu un père et son fils de 7 ans qui échangeaient alors qu’ils étaient assis devant moi. Il était évident que le jeune garçon était enthousiaste d’assister au match de hockey. Toutefois, il se montrait impatient puisqu’il ne pouvait se mouvoir que dans les confins étroits de son siège. J’ai observé ce garçon qui bougeait sur sa chaise et qui débordait d’énergie tout en suivant la partie de hockey. Il s’engageait avec son père et il interagissait de façon ludique avec son ami. J’ai constaté que son père lui avait cédé un peu d’espace afin qu’il soit apte à extérioriser son énergie et ce, préalablement à ce qu’elle franchisse une certaine limite, où elle devenue démesurée et dérangeante pour les gens qui se situaient autour de lui; entre autres, lorsqu’il a donné des coups de pied au siège qui se trouvait devant lui. Pour cette raison, le père s’est penché, il a porté sa tête à l’oreille de son fils et il lui a donné la consigne suivante : « J’apprécierais que tu arrêtes de donner des coups de pied à la chaise et que tu restes assis sur ton siège pendant les 10 prochaines minutes. » L’effet de cette démarche entamée par le père a été immédiat. Néanmoins, ce qui est remarquable c’est l’attitude chaleureuse, mais à la fois ferme dont le père a fait l’objet. Conséquemment, il est clair que son fils a été amené à obéir par respect et non par peur. Dans l’ensemble, cela représente, selon moi, la relation par excellence.


Les relations saines offrent aux enfants la possibilité de se reposer et de faire confiance à la prise en charge d’un adulte qui saura les diriger. Or, il importe de souligner que l’immaturité d’un enfant se traduit fréquemment par l’adoption d’un comportement inadéquat et d’un discours inapproprié. En réalité, ce que les enfants requièrent est de pouvoir se reposer dans les soins des adultes qui peuvent les conduire au milieu de ces impasses et ce, tout en sauvegardant leur relation d’attachement. En outre, il convient de spécifier que la dépendance d’un enfant à l’égard d’un adulte facilite son cheminement vers l’indépendance. En d’autres termes, il est impossible de se déployer et de croître vers son potentiel humain si nous ne sommes pas ancrés solidement dans une relation de réciprocité.


Il existe de nombreuses manières de promouvoir des relations saines avec nos enfants. En voici quelques exemples :

  • Entamer une conversation avec eux et les écouter attentivement

  • Entreprendre des activités ensemble qui mettent en évidence le plaisir que vous éprouvez d’être en leur compagnie

  • Rappelez-vous de qui est important à leurs yeux et surprenez-les avec vos connaissances

  • Soyez le premier à répondre à leurs besoins, c’est-à-dire d’être présent avant qu’ils ne vous demandent de leur donner un autre baiser pour leur souhaiter bonne nuit ou d’être prêt à les nourrir avant qu’ils ne se « mettent en colère »

  • Alors qu’ils ne se comportent pas adéquatement, communiquez-leur ce qui ne va pas tout en leur précisant que votre relation est toujours bonne

  • Ne craignez pas de les diriger et de prendre les décisions qui s’imposent et ce, en invitant leurs larmes au besoin


Ce que Raffi semble visiblement comprendre dans sa chanson « All I really need », est le rôle de partenaire qu’exercent les adultes en incarnant une sage-femme jusqu’à ce que l’enfant atteigne sa maturité. Ainsi, les enfants ont des chansons dans leur cœur parce qu’un enfant devrait être instinctivement amené à jouer. Si les enfants ont besoin de nourriture dans leur ventre et d’amour dans leur famille, cela correspond à leur soif d’attachement et de prise en charge. Ensuite, vous ajoutez quelques larmes et l’aptitude à se sentir triste, et vous obtenez les trois besoins irréductibles dont tous les enfants nécessitent, lesquels reposent sur des décennies de sagesse culturelle et des sciences du développement. Est-ce si simple? Oui, par contre ces trois besoins exigent énormément de temps, d’énergie, d’implication et de patience de la part des adultes concernés.


Si vous adoptez une perspective à long terme du développement humain, vous constatez rapidement qu’il n’existe aucune pilule qui ne saurait remplacer la maturité. À vrai dire, la Nature détient un plan pour faire grandir nos enfants et si nous effectuons notre travail adéquatement, alors nous pouvons faire confiance à la Nature quant à sa capacité de faire le reste. À cet effet, nous devons occuper le rôle de sage-femme en tenant compte du potentiel de maturité qui se trouve en chacun de nos enfants.



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