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Guérir les sources émotionnelles de l’anxiété par l’établissement de connexions humaines

Updated: Aug 30, 2020

Écrit par Deborah MacNamara (29 mai, 2019)

Traduit par Nathalie Malo

Qu’il s’agisse d’élans de panique ou de sentiments de malaise qui proviennent du plus profond des tripes, l’anxiété se veut un phénomène qui est à la fois humain et universel. À vrai dire, il n’est pas étonnant qu’elle demeure l’un des troubles de santé mentale qui est le plus fréquemment diagnostiqué auprès des enfants ainsi que des adultes. De surcroît, l’Organisation Mondiale de la Santé a déterminé qu’elle représente l’une des principales préoccupations qui touche les enfants qui sont âgés entre 4 et 17 ans et ce, à l’échelle mondiale.


Mais, qu’est-ce que l’anxiété? Cette émotion s’accompagne généralement de symptômes tels que l’agitation, l’inquiétude persistante, la difficulté à se concentrer, l’irruption de peurs, la panique, les cauchemars et l’adoption de comportements dépendants et collants. Un jour, ma fillette de 5 ans m’a demandé ceci : « Maman, pourquoi ai-je des gargouillis dans le ventre? » Cette sensation de remous, qui est inhérente à l’anxiété et qui, lorsque combinée à plusieurs autres symptômes physiques et émotionnels, nous avise que nous sommes perturbés. L’anxiété peut s’ancrer et perdurer et ce, en dépit des dires d’autrui qui nous attestent que nos craintes ne sont aucunement fondées.


Au moment où le corps et l’esprit de l’enfant sont en proie à de l’instabilité, l’anxiété se fera sentir à tout moment, que ce soit lors du coucher, du souper ou à l’école. Or, la problématique réside dans le fait que les symptômes de l’anxiété dévoilent peu de choses sur ce qui l’occasionne. Conséquemment, les parents s’adressent habituellement à leurs enfants dans l’espoir d’obtenir des réponses et ce, en leur posant des questions similaires à celle-ci : « Qu’est-ce qui ne va pas? ». Dans ces conditions, il est fort probable que l’anxiété des parents s’intensifie tandis qu’ils se trouvent confrontés à des regards vides, à des explications déroutantes ou à des répliques de type : « Je ne sais pas! »


L’un des enjeux fondamentaux de l’anxiété est qu’il s’avère difficile d’effectuer des progrès quant à la compréhension de cet état en s’attardant uniquement aux symptômes manifestés. Selon le docteur Gordon Neufeld, psychologue de renommée internationale du développement et de l’approche fondée sur l’attachement, il serait primordial de s’attarder aux racines sous-jacentes à l’anxiété afin d’être en mesure de déchiffrer ce qui la suscite. Bien que l’anxiété ait un épicentre, la plupart du temps nous nous contentons de graviter autour de ses symptômes au lieu de tenter d’en atteindre le cœur, soit où se situe le véritable problème.


Outrepasser les symptômes

Un élément fondamental à l’obtention d’une meilleure compréhension de l’anxiété consiste à nommer l’émotion qui l’engendre, soit l’alarme. Si une menace est détectée par le système de surveillance du cerveau, ce dernier interviendra en libérant une série de substances chimiques qui modifient carrément notre physiologie et qui nous permettent de répliquer rapidement. Ensuite, le cerveau réagit en intensifiant l’alarme, la frustration et la quête accrues dans le but de réduire la distance qui s’est établie lorsqu’une séparation s’est amorcée.


À cette fin, il convient d’identifier, à priori, le besoin fondamental et propre à tous les êtres humains. En réalité, la seule variable incontournable dont tous les enfants et les adultes nécessitent pour parvenir à une croissance émotionnelle saine ainsi qu’au bien-être se révèle être l’attachement. En tant qu’espèce interdépendante, nous avons été conçus pour rechercher le contact et la proximité des autres. Par le biais de l’attachement, nous sommes aptes à élever des enfants, à nous entraider et à créer une société civilisée.


Le but de l’attachement est de faire en sorte que les enfants dépendent de leurs adultes pour les guider et les protéger de même que de veiller à ce que ces derniers leur procurent ces bienfaits. Si les enfants se reposent sous les soins de l’adulte pour qu’il s’occupe d’eux, alors ces derniers seront disposés à le suivre, à l’écouter, à être présents, à se laisser orienter et à l’obéir. En effet, plus les racines de l’attachement d’un enfant sont profondément ancrées, plus sa faculté à réaliser son potentiel en tant qu’être social, distinct et adaptatif est considérable.


Si l’attachement relationnel correspond au besoin fondamental de tout être humain, alors qu’elle est expérience la plus significative et alarmante de toutes? La réponse à cette question équivaut à la séparation. Plus précisément, le fait d’être séparé de ses figures d’attachement conduit le système d’alarme du cerveau à fonctionner à plein régime tandis qu’il tente de combler le vide qui s’est instauré. Entre autres, vous pouvez être témoin de la quête effrénée d’un jeune enfant qui est désireux de se réapproprier son attachement quand vous lui dites qu’il doit se coucher, et que soudainement, il réclame un autre verre d’eau, une collation, de se rendre aux toilettes, une autre histoire, ou qu’il supplie, tout comme un petit garçon perspicace avait déjà dit son père : « S’il te plaît, reviens! Les araignées me chassent continuellement du lit. » Conséquemment, toute séparation est une source de provocation puisque l’attachement est indispensable à notre survie.


Qu’est-ce qui déclenche les signaux d’alarme?

Les enfants peuvent expérimenter différentes sources évidentes de séparation, soit un déménagement, l’entrée à l’école, le divorce de leurs parents ou la perte d’un être cher. Cependant, d’autres sources sont particulièrement surprenantes, telles qu’un développement sain et émergeant qui incite les enfants d’âge préscolaire à explorer et à utiliser leur imagination, les élèves du primaire à faire de nouvelles expériences, et les adolescents à découvrir qui ils sont et à savoir ce qu’ils souhaitent faire de leur vie. À tout âge, il existe divers enjeux développementaux auxquels les enfants doivent faire face, et qui amènent avec eux une composante d’alarme existentielle. Tel que mentionné par Gordon Neufeld, nous n’enseignons pas aux enfants de 3 ans la peur des monstres dont ils deviennent effrayés par la suite. En fait, ce sont leurs peurs qui créées ces monstres en premier lieu.


D’autres formes de séparation englobent la discipline qui utilise ce que l’enfant affectionne contre lui et que nous qualifions de «conséquences», «d’amour ferme», ou de «périodes de retrait». Ces méthodes se servent de la séparation pour alarmer un enfant et ce, afin qu’il se comporte adéquatement. Néanmoins, ces techniques donnent souvent l’effet contraire parce qu’elles présentent l’adulte en tant qu’adversaire et conséquemment, elles atténuent le désir de l’enfant de plaire ou de vouloir répondre aux attentes de leurs adultes. Il importe de spécifier que la relation se veut un véhicule qui procure à l’enfant la possibilité de conduire dans une nouvelle direction. Toutefois, la discipline de séparation fait dévier cette direction et laisse sur son passage de l’insécurité relationnelle.


D’ailleurs, une alarme de séparation se crée lorsque nos enfants fusionnent avec leurs amis et ce, à défaut d’exclure leurs adultes. Ce phénomène se nomme « l’orientation vers les pairs » et il donne lieu à des problèmes d’alarme auprès d’un nombre d’enfants et ce, étant donné que les pairs sont des substituts qui sont considérablement immatures et impulsifs, et parfois blessants. À vrai dire, il peut arriver que votre enfant appartienne à un groupe en une journée donnée, et que le lendemain, il en soit exclu. Ainsi, les amitiés instables et les pratiques malveillantes des enfants font tout spécialement souffrir ceux qui dépendent davantage de leurs camarades d’âge semblable que de leurs adultes. Bien que les amis aient une importance cruciale, ils ne sont pas censés être la réponse à leurs besoins d’attachement fondamentaux respectifs.


L’alarme de séparation peut également être attribuée à une séparation physique telle que la perte d’un parent en raison d’un nouvel emploi, d’un voyage, d’une blessure, d’une maladie ou de l’avènement d’un nouveau conjoint. Il importe de spécifier que la réussite peut similairement susciter des sentiments d’alarme, car l’enfant vit dans la crainte de perdre les progrès qu’il a acquis. En outre, les enfants sensibles qui estiment qu’ils sont trop complexes à gérer pour leurs parents sont souvent empreints d’anxiété et ce, d’autant plus que des adultes exaspérés leur ont transmis qu’ils ne savent pas comment les prendre en charge. Malheureusement, cette révélation entraîne subséquemment de l’insécurité pour ces enfants.


Il est nécessaire de préciser que l’alarme de séparation détient le pouvoir de propulser les symptômes d’anxiété temporaires à des niveaux qui sont majoritairement chroniques, et par conséquent, se manifester dans tous les domaines de la vie d’un individu. Les répercussions de l’anxiété chronique peuvent se traduire par des problèmes de comportement additionnels, tels que la colère, l’agitation, le sentiment d’être dépassé, la déconnexion ainsi que la dépression, qui peuvent être mal compris par les adultes ou déclencher des réactions démesurées de leur part. Bien que les symptômes de l’anxiété et les sources de séparation qui ont été examinés auprès des enfants soient dorénavant mieux compris, des recherches corrélatives suggèrent que si la séparation est le problème, alors la connexion sera assurément la solution.


Combler le vide

Que diriez-vous si nous réfléchissions un moment à cette question : « Est-il possible que l’anxiété soit exactement la ressource que le cerveau souhaitait et prévoyait avoir? » Est-il viable de penser que l’émotion sous-jacente à l’alarme remplit un rôle primordial en alertant bruyamment les parents que quelque chose ne tourne pas rond dans l’univers de leur enfant? Et si le cerveau fonctionnait correctement au moment où il est en situation d’alarme et que le problème n’est pas l’alarme en soi, mais plutôt la quantité de temps et d’efforts qu’il doit déployer pour attirer notre attention par le biais de symptômes d’anxiété, lesquels sont destinés à rapprocher les gens pour améliorer les connexions et combler les vides de séparation qui sont douloureux?


De nombreuses démarches peuvent être utilisées par les adultes de façon à solidifier la connexion et réduire le niveau d’alarme existant. Néanmoins, le fil directeur devrait consister à amener un enfant au repos émotionnel. Ce processus peut être facilité en l’accompagnant et en lui communiquant notre désir d’être en sa présence, en lui démontrant de l’attention et en interprétant ses besoins, de même qu’en prenant l’initiative de le satisfaire dans la mesure du possible. À titre d’exemple, si un enfant est anxieux au cours de la nuit, vous l’aiderez à mieux dormir en lui démontrant votre générosité en termes de contact et de proximité. En réalité, il ne faut pas oublier qu’un enfant est séparé de vous lorsqu’il ferme les yeux pour la nuit. Combler ce vide peut impliquer de lui parler de ses projets pour le lendemain, de rester à ses côtés jusqu’à ce qu’il s’endorme, ou d’attacher des ficelles invisibles autour de vos lits dans le but de vous maintenir ensemble pour la nuit; et ce, tout au moins dans l’imagination de votre enfant. Faire de la place pour son sentiment d’alarme et le convaincre que c'est votre travail de s'inquiéter de son sommeil - pas le sein - peut faire en sorte que votre enfant considère que vous êtes en charge, compétent et disposé à vous occuper de lui.


De surcroît, si un enfant est anxieux, il est impératif, si possible, de le mettre à l’abri de nouvelles causes de frustration, et de relations dysfonctionnelles, et ce, afin d’éviter que des sources supplémentaires de séparation ne soient introduites dans sa vie. Quand un enfant est alarmé, il convient d’éliminer les séparations inutiles et de veiller à le lier aux adultes qui sont présents dans sa vie. Cela peut être effectué en orientant l’enfant vers la matrice invisible d’adultes qui en prendront soin. Par exemple, vous pouvez dire à l’enfant ce qui suit : « Ton enseignant prendra ma place lorsque je t’emmènerai à l’école. C’est lui qui est en charge, et je lui fais confiance pour qu’il prenne bien soin de toi. Il sait comment me rejoindre si tu as besoin de moi. N’oublie pas que je vais penser à toi et que j’ai vraiment hâte de venir te chercher à la sortie de l’école! » Ces paroles lui garantiront qu’il est en sécurité et aimé, qu’il peut se sentir lié à l’adulte qui prendra votre place au cours de votre absence et que vous ne serez pas éloignés pour longtemps.


Si les méthodes de discipline qui sont fondées sur la séparation sont déjà employées à la maison, alors il serait préférable de s’éloigner des périodes de retrait et des conséquences punitives en favorisant une discipline développementale qui se base sur l’attachement et qui privilégie, entre autres, le fait d’apprivoiser un enfant avant de le diriger. Cette approche requiert d’entrer dans l’espace intime de l’enfant de manière conviviale, en interagissant avec lui positivement, en entreprenant une conversation ou en prêtant attention à ce qu’il priorise, et ce, dans l’attente qu’il se sente à l’aise avec nous, qu’il commence à nous écouter de même qu’à vouloir nous suivre. Par ailleurs, l’utilisation d’une structure et d’une routine pour aider l’enfant à franchir sa journée peut également lui procurer un sentiment de sécurité. Somme toute, les enfants qui sont anxieux adorent les rituels parce qu’ils sont prévisibles et qu’ils leur confèrent une certaine sécurité.


Faire de la place aux larmes

Les larmes correspondent à l’antithèse des sentiments d’alarme puisqu’elles ont pour fonction d’évacuer le système nerveux et d’inciter le repos et ce, en neutralisant les substances chimiques qui sont libérées lors de situations qui engendrent de pareils sentiments. En effet, l’un des principaux moyens qui consiste à conduire nos enfants au repos émotionnel est de faciliter leurs larmes au moment où ils se trouvent confrontés à des circonstances ou à des choses qui les frustrent. Si un adulte bienveillant est en mesure d’accompagner l’enfant et de faire de la place à quelques larmes, alors il est fort probable que cela puisse atténuer provisoirement la nervosité, la peur et l’inquiétude ressenties suite à des peccadilles ou à des bouleversements significatifs survenues dans la vie de cet enfant.


Nous devons accueillir un enfant avec empathie et chaleur dans le but de lui permettre de trouver ses larmes. En outre, bien que ses contrariétés puissent nous paraître minimes et anodines, il est essentiel que nous nous concentrions réellement sur ce qui l’afflige. Il arrive parfois qu’un parent soit contrarié par les propos d’un enfant. Dans un tel contexte, il vaut mieux de ne pas révéler ces émotions et de trouver un autre adulte avec lequel nous pouvons nous entretenir à ce sujet. Par conséquent, il est indispensable que chaque enfant soit convaincu qu’il n’est pas un fardeau pour son adulte, que ses sentiments ne sont ni trop grands ou inquiétants pour être exprimés, et qu’il ne se trouve aucune situation pour laquelle il ne recevra pas le soutien qui lui est dû.


Si un enfant fait preuve d’anxiété, nous ne devons pas perdre de vue la manière dont une séparation déclenche le sentiment d’alarme qui est sous-jacent, et tenir compte du fait que la relation d’attachement se révèle être le véhicule qui permettra au processus de guérison de se produire. Effectivement, si un enfant est apte à donner un sens aux émotions qui sont afférentes au sentiment d’alarme, alors il sera capable de ressentir sa peur en toute sécurité et de façon vulnérable. De plus, un enfant sera amené au repos émotionnel et il trouvera le courage nécessaire pour affronter les épreuves qui se présenteront sur son chemin s’il est en mesure de voir et de nommer ce qui l’émeut, et d’exprimer ouvertement ses émotions. En dernier lieu, cette démarche qui implique que les adultes responsables s’accrocheront à l’enfant et le guideront au-delà des sentiments et des moments alarmants auxquels il fait face, contribuera à réaffirmer la foi dont il dispose à l’égard de ses donneurs de soins pour l’aimer et prendre soin de lui dans son intégralité.


Deborah MacNamara

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