Ce que les enfants sensibles aimeraientque vous compreniez à leur sujet

Écrit par Deborah MacNamara (1 mars 2017)

Traduit par Nathalie Malo

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Le père déconcerté d’une fillette de 6 ans, dont le nom est Samantha, m’a confié les propos suivants: « Elle est terriblement dramatique et tout paraît si compliqué à ses yeux ». Tandis que la mère de l’enfant me dit que « Sam » déteste la sensation des étiquettes de ses vêtements sur sa peau et les bruits assourdissants. De plus, Sam se met en retrait de ses pairs afin de les examiner et ce, avant de se joindre à eux. En principe, Sam a tendance à se plaindre au moment où les conditions météorologiques sont trop venteuses, ensoleillées, chaudes ou froides, ou encore quand elle se trouve exposée à des sons qui sont soudains et forts tels que lorsque la chasse d’eau de la toilette est tirée. Pour ces motifs, les parents de Sam se demandent comment l’aborder parce qu’elle semble être plus difficile et intense que les autres enfants.

Bien que des enfants qui ressemblent à Sam donnent l’impression d’être des cas isolés, selon Thomas Boyce, un chercheur de l’Université de la Californie du Sud, ils formeraient entre 15 à 20 % de la population infantile. (1) À vrai dire, Sam compte parmi un groupe d’enfants qui sont considérés comme étant « sensibles » de nature. Ces enfants sont davantage réceptifs aux divers stimuli environnementaux et, conséquemment, ils en sont plus affectés. Entre autres, cette activation des sens peut-être plus marquante lorsqu’il s’agit du toucher, du goût, de l’odorat ou de l’ouïe, et être intensifiée en réactions. De surcroît, d’autres recherches suggèrent que ces enfants nécessiteraient une quantité plus importante d’anesthésie en raison de leur degré de sensibilité qui est élevé relativement à la douleur. (2)

Les raisons sous-jacentes à cette sensibilité ne sont pas claires actuellement puisque des théories afférentes à la biologie, à la génétique, au stress prénatal, aux traumatismes survenus à la naissance ou aux césariennes ont été proposées en tant que facteurs contributifs. (3) Peu importe l’origine ou la raison de la sensibilité d’un enfant, les parents et les enseignants aspirent à lui accorder un sens, et à être mieux outillés dans le but de composer avec son niveau d’intensité. Si les enfants sensibles étaient en mesure de nous procurer un aperçu de leur univers, je crois qu’ils souhaiteraient que nous comprenions les cinq principes suivants en tout premier lieu.

1. Leur esprit peut être considérablement occupé à intégrer leur monde – La tâche du cerveau rationnel se résume à comprendre les mouvements inusités et soudains qui émergent au sein du corps d’un individu et qui ont été déclenchés par des facteurs qui sont présents dans son environnement. Étant donné que les enfants sensibles font preuve d’une réceptivité accrue, il est fort probable qu’ils « absorbent » de nombreux stimuli sensoriels qui doivent être « assimilés » par la suite. En d’autres termes, cela signifie qu’ils auront besoin de temps pour intégrer ce qui se produit dans leur environnement immédiat. En effet, certains de ces enfants accompliront naturellement ce processus en observant ce qui se déroule, en repérant les détails et en tentant de saisir les interactions entre ceux-ci. En vérité, il s’agit de la principale raison pour laquelle ils sont souvent des « observateurs » et ce, en dépit du fait que les adultes cherchent à les convaincre de participer à des activités. Or, les adultes doivent prendre en considération que les enfants sensibles apprennent indirectement en examinant autrui. Par ailleurs, ils doivent reconnaître que leurs facultés mentales peuvent être extrêmement sollicitées malgré leur manque d’implication en termes d’activité physique.

2. Ils sont prédisposés à ressentir des émotions intenses lorsqu’ils sont perturbés par leur environnement immédiat – Les enfants sensibles peuvent expérimenter leurs émotions d’une manière exacerbée, ce qui occasionne des sentiments de détresse ou d’alarme. De plus, ils sont susceptibles d’éprouver de l’anxiété et ce, en raison de leur vigilance et de leur apport sensoriel qui est amplifié. Les enfants sensibles manifestent généralement de vives réactions et ce, peu importe que ce soit face à de la joie ou à du désespoir. Dans cette perspective, s’ils sont frustrés cela peut susciter des accès de colère qui éclatent soudainement et qui se révèlent puissants et démesurés. Bien que leurs larmes les plus tendres soient difficiles à trouver, ces enfants peuvent être amenés à devenir résilients quant aux circonstances qui leur paraissent insurmontables et ce, par le biais de la patience, de la bienveillance et d’une certaine fermeté de la part de leurs parents. Notons que l’ultime défi à relever avec les enfants sensibles, notamment quand ils sont en bas âge, se rapporte au fait qu’ils peuvent être aisément envahis par des stimuli qui favorisent l’apparition de crises de colère. Par conséquent, notre mission est de les conduire dans un territoire de vulnérabilité et ce, en leur accordant suffisamment d’espace pour s’exprimer, en les aidant à utiliser leurs mots pour décrire leur monde intérieur et en encourageant le déversement de leurs larmes. Si nous leur octroyons des environnements sains pour s’épanouir et ce, conjointement à des relations solides avec des adultes attentionnés pour les accompagner au cours de leurs expériences émotionnelles, alors leur cerveau s’adaptera afin de pouvoir gérer adéquatement la profondeur de leur univers émotionnel.

3. Leurs relations avec les autres peuvent nécessiter davantage de temps pour s’établir – Les enfants sensibles ne disposent d’aucune patience pour les imbéciles et ainsi, il est essentiel que les adultes mobilisent toutes leurs ressources dans le but de construire une relation avec ceux-ci. D’ailleurs, il arrive souvent que ces enfants ne sympathisent pas avec les individus qui ne prennent pas le temps de les apprivoiser ou de s’intéresser à eux. En raison de leurs instincts de timidité prononcés, ils peuvent avoir plus de difficulté à se conformer aux consignes et aux règles imposées par des personnes auxquelles ils ne partagent pas un lien d’attachement. Dans cette optique, il convient de mentionner que pour forger des relations, il est primordial d’être vulnérable et dépendant des autres. Malheureusement, cela s’avère être un enjeu majeur pour les enfants qui sont sensibles. En outre, leurs réponses peuvent dégager parfois du scepticisme et de l’irritabilité. Néanmoins, il importe de préciser que cela peut correspondre à leurs mécanismes de défense innés alors qu’ils se sentent dépassés.

4. Ils sont enclins à se sentir contraints et à opposer la volonté d’autrui – Plusieurs enfants sensibles se montrent perspicaces relativement aux projets et aux intentions des gens à leur égard. Lorsqu’ils se sentent contraints et contrôlés, ils peuvent être imprégnés de contrevolonté, soit l’instinct qui se dissimule derrière la résistance et l’opposition. En réalité, au moment où nous essayons de leur faire prendre une direction particulière, ils peuvent s’emporter sous le coup de la frustration ou tenir fermement à leur position par un refus catégorique. À vrai dire, il est préférable de capter leur attention et de les apprivoiser avant de leur formuler des directives et des consignes et ce, de façon à ce qu’ils soient disposés à nous suivre.

5. La structure et la routine procurent de la sûreté et de la sécurité – Les rythmes prévisibles de la vie quotidienne établissent des limites pour l’enfant sensible et ils lui permettent de s’orienter en fonction des évènements futurs. Notamment, les routines soustraient les surprises imprévues et les incertitudes de sa journée tout en lui permettant de se sentir davantage à l’aise et moins préoccupé par ce qui se produira éventuellement ou avec qui il sera. En fait, il est opportun qu’un adulte prenne l’initiative de guider et d’informer un enfant sensible quant aux routines quotidiennes et ce, afin de faire en sorte qu’il se sente davantage au repos émotionnel et pris en charge.

Les enfants sensibles constituent un pourcentage significatif de la population infantile et ils nécessitent une prise en charge de même qu’un traitement consciencieux. Bien que leur intensité soit en mesure de prendre les adultes au dépourvu, ces enfants ont besoin d’entendre le message retentissant que leurs parents possèdent les connaissances requises pour en prendre soin adéquatement. Quand les adultes prennent les devants alors les enfants sensibles peuvent jouer et s’épanouir et ce, en autorisant ainsi la Nature à développer leur cerveau de manière à ce qu’ils soient capables de s’adapter à un monde où leurs sens sont fréquemment beaucoup trop sollicités.

Références

(1) Boyce, T. (2014). Orchid children and the science of kindness. Dalai Lama Centre for Peace and Education, Vancouver, BC. https://www.youtube.com/watch?v=_mSrc0GFpJw

Ellis, B.J., Boyce, W. T. (2005). Biologial sensitivity to context: Empirical explorations of an evolutionaly-developmental theory. Development and Psychopathology. V. 17, (2), pp. 303-328.

(2) Melnik, M. (2010). Why surgeons dread red heads, (La revue Time en ligne, 10 décembre 2010.) http://healthland.time.com/2010/12/10/why-surgeons-dread-red-heads/

(3) (3) iv] Neufeld, G. (2013). Niveau I, Institut Neufeld, Vancouver, CB, Canada.

https://www.institutneufeld.org/product-page/niveau-1-1