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La résilience nécessite un parcours émotionnel

Updated: Sep 23, 2021

Écrit par par Deborah MacNamara (1 mai 2017)

Traduit par Nathalie Malo


Il semble que les sources de stress soient dorénavant omniprésentes dans notre société. Entre autres, elles se font sentir lorsque des changements se déroulent dans notre vie ou que nous sommes aux prises avec des circonstances que nous ne pouvons pas modifier. Qu’il s’agisse des pertes inhérentes à l’existence humaine ou de nos besoins inapaisés, comment est-il possible de nous frayer un passage parmi ces divers bouleversements?


Le docteur Gordon Neufeld a défini la résilience de la façon suivante : « l’aptitude à reprendre un fonctionnement optimal suite à des périodes de stress ou la capacité de s’épanouir sous l’effet du stress » (1) En d’autres termes, nous pouvons exploiter la faculté innée de guérison et de récupération du corps humain et ce, en dépit de notre impuissance à éviter les épreuves de la vie. Or, il importe de se poser la question suivante : Comment pouvons-nous procéder de la sorte et préparer nos enfants à faire de même?


Selon le Dr. Neufeld, la clé de la résilience est de comprendre qu’elle ne peut pas se trouver en « opposant notre tête à notre corps ». À vrai dire, c’est notre cœur qui dispose des secrets de la guérison. Toutefois, nous nous sommes trompés en supposant que la raison cognitive détient toutes les réponses quand nous sommes en proie à des contrariétés. En vérité, nous avons perdu de vue que l’adversité nous entraînera vers un périple émotionnel et que nos sentiments doivent prendre les devants afin de nous aider à concevoir un moyen pour nous sortir de cette impasse.


Il existe une distinction entre la « vraie résilience » et la « fausse résilience ». La fausse résilience se manifeste au moment où nos émotions sont refoulées et qu’elles sont devenues inconscientes, ou lorsqu’elles ne sont pas profondément ressenties. La fausse résilience se caractérise par une absence de sentiments et un « semblant de calme » extérieur. Cette façade qui prévaut nous amène à croire qu’il est fort probable que nous nous portions bien et que nous soyons, de toute vraisemblance, résilients. Ce type de résilience fait en sorte qu’un enfant est fonctionnel à l’école en dépit du stress auquel il est confronté, ou qu’un adulte peut se présenter à son travail et effectuer les tâches qui lui sont assignées adéquatement. Néanmoins, la difficulté réside dans le fait qu’un cœur endurci ressemble à un tissu cicatriciel, et ce, étant donné qu’il fait preuve de peu de flexibilité et de sensibilité.


La vraie résilience est une condition qui est bruyante et turbulente en soi parce qu’elle est empreinte de sentiments qui peuvent être à la fois intenses et bouleversants. Vous pouvez l’entendre de la bouche d’un adolescent sain et équilibré tandis qu’il entame son dernier passage vers l’âge adulte et qu’il évoque les sentiments de vide, de peur, de solitude et ou d’insécurité qu’il ressent. Vous pouvez également l’entendre d’un nouveau parent qui se demande la raison pour laquelle il se sent imprégné par une multitude d’émotions telles que l’alarme, la frustration et la tristesse quand il prend en charge les petites personnes qu’il affectionne particulièrement.


La fausse résilience découle de l'absence d'émotion alors que la vraie résilience consiste à être courageux ou d'avoir beaucoup de cœur (être pleins de sentiments). Ainsi, la résilience nécessite davantage de sentiments et non moins de ceux-ci.


Si nous voulons occuper un rôle dans le processus de transformation de nos enfants en tant qu’être résilients, nous devrons assumer le rôle de gardien de leur cœur. Pour ce faire, nous ne devons pas les repousser ou faire en sorte qu’ils fuient leurs grands sentiments. De plus, nous devons nous abstenir de les endurcir ou de leur insinuer qu’ils ne doivent « pas se laisser abattre » ou qu’ils « doivent se ressaisir ». En réalité, la restauration émotionnelle de ce qui a été ébranlé permet d’ouvrir la voie à la possibilité de s’épanouir et de se rétablir.


Par contre, si le stress nous envahit ou nous paralyse, cela signifie qu’il existe de nombreuses choses qui nous préoccupent ou qui nous affectent. Conséquemment, nos émotions seront sollicitées et elles s’empresseront à tenter de résoudre les difficultés que nous rencontrons. Par exemple, un enfant peut s’accrocher à un parent lorsqu’il doit quitter pour l’école ou un adolescent peut carrément refuser de parler d’un sujet spécifique parce que cela le blesserait davantage.


Le cerveau intervient et agit quand nous sommes submergés par des émotions, et les sentiments deviennent donc un luxe. Il importe de souligner que les sentiments correspondent à des émotions que nous pouvons nous emparer et pour lesquelles nous pouvons pleurer ainsi que faire de la place. Cependant, selon le Dr. Neufeld, si nous sommes surchargés, nous éprouverons « plus d’émotions et moins de sentiments ».


Nous nous efforçons d’accepter le parcours émotionnel engendré par le stress. Toutefois, nous avons perdu de vue l’importance de la participation de nos enfants dans cette aventure. D’ailleurs, nous semblons craindre les grandes et fortes émotions qui surviennent en période de stress, car nous redoutons qu’elles nous entraînent dans ces trous noirs qui constituent l’existence humaine et que, par la suite, nous ne soyons pas en mesure de nous en remettre. À vrai dire, nous estimons qu’il est nécessaire de donner des coups de pied, de crier et de ramper pour se sortir des tunnels de la vie plutôt que de comprendre qu’il y a toujours eu un moyen pour nous aider à les traverser. Il importe de savoir que la résilience représente un voyage émotionnel et donc, que nos émotions sont censées nous faire avancer au moment où nous ignorons le chemin que nous devons prendre. Subséquemment, ce n’est pas l’absence de sentiments de vulnérabilité qui nous rend fort et courageux, mais bien notre aptitude à les accueillir.


À une époque, où plus que jamais le besoin se fait sentir, nous avons perdu de vue les clés qui nous permettent d’ouvrir nos cœurs. En outre, nous sommes devenus prisonniers de nos têtes et il nous arrive fréquemment de penser que la réflexion détient la réponse ultime à tous nos problèmes. Néanmoins, la raison ne nous offre aucune réponse quand notre cœur est blessé. Il convient de spécifier que la résilience ne se réduit pas à un ensemble de compétences à acquérir ou à une liste d’énoncés que nous demandons à nos enfants d’écrire et de répéter. De plus, la résilience n’est pas le fruit d’un scénario bien établi, d’une feuille de travail ou de visualisations positives afférentes à des sentiments de bonheur. La notion qui consiste à imposer la guérison vers un parcours particulier ne reflète aucunement la capacité inhérente des êtres humains à guérir.


Nous devons accueillir nos sentiments et permettre à ce que la Nature nous a transmis de nous aider à surmonter le stress et l’adversité qui se trouvent dans nos vies.


Il est essentiel que nous encouragions nos enfants à exprimer la tristesse ressentie lorsque les choses ne se passent pas tel que prévu. D’autre part, nous devons ouvrir des canaux d’expression au moyen du jeu et de la libération de l’inspiration et ce, afin de faire ressortir les sentiments des enfants par le biais de la musique, de la peinture, de la danse, du chant ou de la poterie. De surcroît, selon les propos du Dr. Neufeld, il semble qu’il serait pertinent d’encourager les enfants à nous raconter leurs histoires et à « rejouer » tout ce qui s’est déroulé durant celles-ci.


Tout parcours émotionnel nécessite essentiellement que nous soyons entourés de personnes qui sont en mesure d’accompagner nos sentiments. Il s’agit habituellement des individus auxquels nous pouvons nous accrocher lors des périodes qui sont marquées par des périodes de stress, et de ceux qui peuvent nous soutenir lorsque nous vivons des émotions intenses. À vrai dire, ce sont nos relations qui nous confèrent une illusion de sécurité en dépit de toutes les contrariétés. En effet, nos relations peuvent nous guider et nous indiquer de nous accrocher à l’autre alors que nous entretenons des doutes quant à nos chances de retrouver notre bien-être en toute sécurité.


En outre, ce sont nos relations qui nous suscitent de l’espoir et qui nous convainquent que nous sommes suffisamment forts pour assumer le lourd fardeau que nous éprouvons. En d’autres termes, la croyance des parents envers l’enfant lui procure le sentiment qu’il existe toujours un moyen de se sortir des difficultés qu’ils rencontrent.


Ce sont les individus auxquels je suis davantage attachée qui m’ont solidement ancrée et ce, lorsque je me remémore les épreuves auxquelles j’ai été confrontées au cours de ma vie. En réalité, ces derniers se sont intégrés dans ces parcours émotionnels, et ils m’ont aidée à conserver un cœur tendre ainsi qu’à tenir bon malgré les sentiments de désespoir qui m’habitaient. Dans le même ordre d’idées, il convient de noter que conformément à tout parcours, une fois que vous vous êtes rendu à un endroit donné, vous prenez conscience que vous avez changé par la suite. Conséquemment, vous êtes définitivement transformé par les diverses choses que vous avez observées en cours de route, par les expériences que vous avez vécues et par les émotions que vous avez ressenties.


Kierkegaard déclarait ceci : « La vie doit être vécue en regardant vers l’avenir, mais elle ne peut être comprise qu’en se retournant vers le passé ». Quand vous êtes au milieu d’un parcours émotionnel, il importe peu de donner un sens à tout ce qui survient et de faire en sorte que toutes les pièces du casse-tête coïncident. Or, il est préférable d’accueillir le processus de déception émotionnelle et d’utiliser le système dont la Nature nous a pourvu de manière à nous permettre de libérer les émotions qui doivent être exprimées et à prendre du recul face aux circonstances que vous tentiez de modifier.


Si nous parvenons à agir de la sorte pour nos enfants, ceux-ci réaliseront que la guérison n’est pas un concept que nous avons dû inventer, apprendre, travailler d’arrache-pied ou imposer, mais plutôt quelque chose qui nous permet de nous libérer. Nous détenons déjà en nous tous les ingrédients requis pour permettre à la guérison de se produire, de sorte que nous avons simplement besoin de la présence d’une autre personne pour nous accompagner lors de ce parcours émotionnel. De plus, en tant que parents, nous pouvons préparer le terrain pour les sentiments et le jeu et ce, dans le but d’aider nos enfants.


Il importe de souligner que les émotions ne sont pas une nuisance, mais bel et bien des moyens que la Nature met à notre disposition pour s’occuper de nous. D’autre part, les sentiments ont pour rôle de nous soutenir au moment où nous sommes confrontés aux défis que la vie nous présente. À vrai dire, les sentiments ont l’habileté de nous guérir si nous leur accordons davantage de place, si nous nous autorisons à les sentir et si nous jouons avec eux. Il est important d’assumer les défis que la vie nous réserve. Par contre, nous nécessitons tous la présence d’un individu sur lequel nous pouvons nous reposer. Bref, nous ne pourrions offrir un plus beau cadeau à nos enfants ni leur laisser un meilleur message.


Note


(1) Extrait tiré des « Clés de la résilience » de Gordon Neufeld, lors du discours introductif de la 9ième conférence annuelle de l’Institut Neufeld, en date du 28 avril 2017 à Richmond, BC.


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