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Diriger les émotions des enfants vers le chemin de la maturité par la liberté d’expression

Updated: May 19, 2023

Par Dre Deborah MacNamara (18 mars 2021)

Traduit par Nathalie Malo



Il n’est pas inhabituel d’apercevoir un enfant taper du pied en guise de frustration, de crier alors qu’il est fâché, et de traîner les pieds quand il se sent bousculé. Des effondrements peuvent survenir par la suite lorsqu’il se trouve à la maison sous la forme d’une résistance quant aux tâches ménagères ou aux devoirs, et ce, bien qu’il ait connu une journée sans histoire au service de garde ou à l’école. Par conséquent, les parents peuvent se sentir désemparés par les réactions émotionnelles démesurées dont ils ont été témoins de la part de leurs enfants. Et pourtant, est-ce que ces derniers n’ont pas été avisés au moins une centaine de fois de se servir de leurs mots et de communiquer clairement afin d’obtenir ce qu’ils veulent ?


En fait, les émotions sont invisibles et mystérieuses alors que les actions sont tout le contraire, et nous distraient souvent du véritable problème. Toutefois, en ce qui concerne les émotions, il importe de se rappeler qu’elles ne constituent pas des problèmes en soi, mais qu’elles tentent plutôt de les résoudre. Les cris d’alarme ou de frustration des enfants sont destinés à solliciter notre attention pour que nous soyons en mesure de rectifier ou de modifier ce qui ne fonctionne pas, ou tout simplement pour les aider à s’adapter aux circonstances. Cependant, le défi réside parfois dans le fait qu’il peut advenir que la manière dont un enfant extériorise ses émotions peut occasionner des difficultés pour les personnes de son entourage. À cet effet, si vous souhaitez connaître la nature de l’émotion qui est ressentie par un enfant, il vous suffit de tenir compte de son comportement et de sa conduite en société. À vrai dire, un enfant qui se sent en sécurité peut s’aventurer à jouer, et de sorte, à se perdre dans la découverte et l’exploration. Néanmoins, un enfant qui est craintif aura tendance à courir se réfugier auprès d’un parent, tandis qu’un enfant frustré peut s’en prendre à autrui dès qu’il se sent contrarié.


Si le comportement d’un enfant est problématique, alors nous risquons de devenir préoccupés à l’idée de renforcer les règles et les attentes, tout en perdant de vue à quel point les émotions (un remarquable système de communication) le conduisent en son for intérieur. D’ailleurs, la façon dont nous répondons à un enfant lorsque son comportement est alimenté par ses émotions est donc déterminante pour l’inciter à devenir plus mature. En revanche, plusieurs mesures « disciplinaires » peuvent exacerber la situation et occasionner les flammes de la colère en nous empêchant non seulement de progresser, mais également en travaillant contre nous.


LA NÉCESSITÉ DE l’expression

Il importe de préciser que la santé émotionnelle ne peut être atteinte si les émotions ne peuvent être exprimées. Or, la force que ces dernières exercent les contraint à émerger de nous de quelque manière que ce soit. Il convient de noter que les jeunes enfants commencent à peine à se familiariser avec leurs émotions et qu’ils sont donc naturellement incapables de trouver les mots ou de distinguer ce qu’ils ressentent. À cet égard, en tant qu’êtres humains, il serait préférable d’adopter un vocabulaire adapté à nos sentiments et de l’employer pour les transmettre de façon (espérons-le) plus respectueuse au fur et à mesure que nous gagnons en maturité. Toutefois, ceci représente le but ultime et ne constitue en rien le point de départ. Conséquemment, il incombe aux parents et aux autres adultes responsables de faire leur part et de ne pas seulement inculquer des mots, mais plutôt un langage des émotions.


Il est important de souligner que le simple fait de crier aux enfants : « Ça suffit! » et « Calme-toi! », peut occasionner plus de mal que de bien. En effet, tel une « cocotte-minute » quit cuit sous pression, si les émotions sont refoulées, elles conduisent généralement à des ébullitions qui s’avèrent incontrôlables. En principe, la notion selon laquelle nous devons, en premier lieu, refouler nos émotions ne tient pas compte du fait que ces dernières doivent nous habiter afin qu’elles soient aptes à nous indiquer que quelque chose fonctionne ou non, et ceci est particulièrement vrai quand les enfants sont trop jeunes pour s’exprimer sur ce qu’il leur arrive. Il ne faut pas oublier que notre univers émotionnel est une véritable source d’intelligence en ce qui concerne nos besoins et qu’il fera tout en son pouvoir pour les combler.


Par ailleurs, ce que de nombreuses personnes ne réalisent pas, est que les jeunes enfants ne parviennent pas à réguler leurs émotions en raison de l’immaturité de leur cerveau. À vrai dire, il faut compter de cinq à sept ans de développement cérébral sain et équilibré pour l’établissement de voies neuronales nécessaires à l’intégration des émotions fortes ainsi que pour l’obtention du contrôle des impulsions. Entre-temps, ce sont les adultes, et non les cerveaux des enfants d’âge préscolaire, qui constituent le principal agent stabilisateur dont disposent les enfants pour maîtriser leurs émotions et leurs comportements. En outre, l’essentiel de ce travail consiste à empêcher les enfants de se blesser ou de causer du tort à autrui en raison de réactions impulsives, et non de leur interdire d’avoir des sentiments ou de les exprimer. Notons que les méthodes telles que les punitions propres à la séparation, la privation d’affection ou les cris ne sont pas pour autant de solutions bénéfiques, car celles-ci ne résorbent rien à long terme et elles ne servent qu’à cultiver une incertitude plus importante quant à la relation que vous entretenez avec l’enfant.


LE DANGER DU refoulement

Nous nous devons de faire en sorte qu’il soit sécuritaire pour nos enfants d’extérioriser leurs émotions et de leur transmettre que nous sommes présents pour les aider à surmonter leurs grands sentiments. En effet, le but n’est pas d’essayer de veiller à ce que nos enfants ressentent quelque chose de différent, mais préférablement de soutenir et de simuler le mouvement de ces émotions pour qu’ils soient capables d’apprendre à les comprendre et à exercer une certaine influence sur leur expression.


L’un des facteurs déterminants pour soutenir un enfant consiste à s’assurer que nos réactions relatives à ses émotions ne génèrent pas davantage de détresse pour lui (et conséquemment pour nous), et qu’elles ne se traduisent pas par une diminution de notre désir de s’occuper de lui. Ainsi, si son comportement conduit à l’établissement d’une relation qui est plus insécurisante avec un adulte, alors son cerveau risque de « déplacer » ses émotions de façon à maintenir sa connexion. Malheureusement, cette démarche est coûteuse puisqu’elle inhibe le développement émotionnel de l’enfant et elle empêche l’adulte d’être en mesure de favoriser la progression de sa maturité, et ce, tout en créant un climat d’insécurité.


Les formes les plus répandues de discipline qui sont employées auprès des enfants privent ces derniers de ce qui leur tiennent le plus à cœur ou elles les éloignent des individus dont ils aimeraient être proches. À vrai dire, ces méthodes communiquent le message qu’il n’existe pas d’expression sans avoir à subir des répercussions indésirables; soit que ce que vous dites ou faites peut être retenu contre vous où cela peut vous blesser le plus. Si vous devez être « bon » même quand vous vous sentez mal, et que l’expression de vos sentiments provoque une séparation, alors l’expression émotionnelle diminuera considérablement et elle sera remplacée facilement par des niveaux d’anxiété et d’agressivité qui sont plus élevés.


LE PARCOURS VERS une expression MATURE

La bonne nouvelle est qu’il existe plusieurs moyens naturels qui nous permettent d’accorder de la place aux émotions de nos enfants, et de prendre soin de leur cerveau de sorte que ces derniers soient aptes à gérer adéquatement leurs émotions et préserver leur bien-être. Il est également possible de fixer des limites avec les enfants tout en leur faisant comprendre que nous sommes présents pour les aider à gérer leurs émotions. En fait, l’objectif visé ne consiste pas à empêcher l’expression des émotions, mais plutôt de leur donner l’espace requis pour circuler et surtout, d’éviter tout dommage à la relation afin que le développement de l’enfant continue à évoluer sainement, et ce, sous la supervision d’un parent qui est compétent et digne de confiance.


L’expression au moyen du jeu

Il convient de mentionner que l’une des manières naturelles qui permet aux enfants d’exprimer librement leurs émotions se fait par le biais du jeu, où les résultats concrets et les conséquences n’existent pas. Selon les propos du spécialiste en développement, le Dr Lawrence Cohen, les enfants ne disent pas : « J’ai eu une journée difficile. Est-ce qu’on peut en parler? ». Ils affirment plutôt : « Est-ce que tu veux jouer avec moi? » Conséquemment, si nous voulons réellement aider les enfants à libérer leurs émotions, alors nous devons instaurer des conditions qui sont propices au jeu.


Il convient de spécifier que le concept de jeu véritable est celui où l'enfant est libre de s'engager dans son environnement et où rien n’est pris au pied de la lettre. À cet égard, l’enfant peut extérioriser sa frustration en créant, construisant, détruisant ou transformant les objets environnants. En outre, les émotions telles que l'alarme peuvent être évacuées grâce à des jeux qui impliquent une certaine crainte, notamment de faire semblant que des monstres sont présents, d'être poursuivi ou secouru, de devoir se cacher afin d'éviter d'être capturé, ou de survivre seul. Ainsi, l'enfant est en mesure de s'exprimer sans craindre des répercussions dans le cadre de la sécurité du jeu, et il en émergera souvent plus tendre et émotionnellement vulnérable.


Le rôle des adultes a pour nature de procurer et de protéger les endroits où les enfants peuvent jouer ainsi qu'à les inviter à découvrir la musique, les récits, l'art, la danse ou le mouvement; autant d'activités qui permettent à leur système émotionnel de se dégager et de se recentrer. Il importe de mentionner que les recherches portant sur la corrélation entre la privation de jeu et les problèmes émotionnels observés auprès des enfants sont nombreuses. D’ailleurs, leur message ne peut être plus clair : « Les donneurs de soins doivent devenir des défenseurs du jeu quand il s'agit de la santé émotionnelle et du bien-être des enfants. »


À cœur ouvert

Au moment où nous accompagnons un enfant, cela signifie que nous devons adopter un rôle de soutien et non d’opposition dans la manière d’aborder ses comportements et ses émotions. Bien que nous ne soyons nullement obligés d’être en accord avec lui à propos de son comportement ou des « raisons » qui le motivent, nous pouvons nous connecter avec l’enfant au niveau du cœur et ainsi, tenter de lui faire preuve d’empathie. Dans cette perspective, lorsque nous prenons le temps de reconnaître l’émotion qui se dissimule derrière son comportement, nous contribuons à accroître son sentiment d’appartenance à notre égard. Entre autres, quand nous disons à un enfant ce qui suit : « Je pense que tu as eu une longue journée à l’école et que tu es fatigué et frustré » ou « Aide-moi à comprendre ce qui te bouleverse », nous l’invitons donc à mettre des mots sur les émotions qui l’habitent; ce qui correspond exactement à ce qu’il a besoin d’entendre et à ce que nous voulons lui enseigner. Par conséquent, nous apprenons à travailler ensemble afin de trouver un moyen pour surmonter les difficultés rencontrées en privilégiant les émotions au détriment du comportement, et en encourageant l’enfant à s’exprimer.


D’ailleurs, il est tout aussi important de ne pas mettre l’emphase sur nos propres émotions relatives aux comportements de nos enfants. En effet, nous ne sommes pas dans l’obligation de leur divulguer ce que nous ressentons puisque cela risquerait de les bouleverser davantage de même que de leur imposer un surplus d’émotions qu’ils auront à gérer. Par ailleurs, il convient de préciser que le rôle de nos enfants n’est pas de se soucier de nos sentiments. Or, en révélant nos difficultés à un enfant, nous pouvons lui transmettre, par mégarde, le message que nous ne savons pas ce que nous devons faire avec lui et ce faisant, l’inquiéter et le frustrer davantage.


Lorsque nous accompagnons un enfant et que nous l’aidons à trouver et à utiliser des mots pour exprimer ses expériences, alors nous lui apprenons le langage des émotions. Il est à noter qu’un enfant deviendra naturellement plus mature par le biais des mots qui lui permettent de communiquer son univers émotionnel, ainsi que du développement de son cerveau qui lui confère la maîtrise de ses impulsions, et ce, tout spécialement quand tous deux se produisent dans un environnement qui est favorable et sûr. À ce propos, je me souviens fort bien de la journée où ma fille m’a annoncé fièrement qu’elle voulait frapper quelque chose avec sa main parce qu’elle se sentait frustrée, mais qu’elle ne l’avait pas fait et qu’elle considérait que c’était la bonne attitude à adopter.


Compte-rendu quotidien

Il existe un certain nombre de rituels quotidiens qui nous aident à entre en contact et à faire le point avec nos enfants quant à leurs expériences et leurs émotions. En fait, le moment du coucher où toute l’attention d’un parent est vouée à l’enfant, comporte un caractère unique puisqu’elle l’incite à parler. À vrai dire, il n’est pas rare que, durant cette période, l’enfant raconte les moments difficiles de sa journée ainsi que d’autres anecdotes afférentes à la manière dont il se sent. Alors que nous écoutons et reflétons sur ses émotions, nous serons donc en mesure de l’aider à donner un sens aux circonstances et à faire progresser son développement émotionnel.


Les rituels du matin peuvent également aider un enfant à démarrer sa journée du bon pied, tels que la lecture de livres lors de l’heure des câlins. Notamment, le fait de ralentir la cadence, de faire de la place pour la relation et de se pencher sur l’horaire de la journée sans se précipiter, peut nettement contribuer à éviter les bouleversements émotionnels et les agitations. De plus, les repas partagés en famille constituent un excellent moment pour s’informer de chacun, et il arrive parfois que le trajet de retour de l’école ou de la garderie soit également un moment propice pour se connecter et s’écouter.


Il convient de spécifier que rien n’est comparable à la force d’un enfant immature pour tester la maturité émotionnelle des adultes. En vérité, le défi consiste à ne pas laisser nos émotions prendre le dessus et à s’en prendre à l’enfant. Il est important de se rappeler que la maturité émotionnelle nécessite du temps et de la patience, et qu’elle est aussi sophistiquée que le développement cognitif. Dans l’ensemble, les enfants requièrent un soutien bienveillant, des guides émotionnels et des donneurs de soins qui seront en mesure de leur montrer qu’ils croient que la maturité est à la portée de la main et ce, en permettant à leurs émotions de suivre leur cours naturel en toute sécurité.



Tous droits réservés Deborah MacNamara © 2021


Dre Deborah MacNamara est la directrice du centre de consultation et de ressources familiales Kid’s Best Bet et membre du corps professoral de l’Institut Neufeld. Elle est également auteure de l’ouvrage « Jouer, grandir, s’épanouir », qui a été traduit dans 11 langues ainsi que du livre d’images «The Sorry Plane».


Pour de plus amples renseignements, veuillez visiter le site Web suivant : https://macnamara.ca/



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